01.04.2021
Matériel végétal
Menu-pineau, meslier Saint-François, genouillet, fié-gris mais aussi viognier ou syrah plantés en Val-de-Loire. Ces cépages locaux et anciens, ou actuels mais plus lointains, sont défendus par certains vignerons ligériens. Voici quatre d’entre eux, fiers de leurs pépites au sein de leur gamme, ou à l’affut de leur intérêt dans le contexte actuel de réchauffement climatique.
Si le sauvignon blanc couvre les trois quarts de son vignoble, Lionel Gosseaume cultive aussi du gamay, du côt, du cabernet, du pineau d’aunis, du chardonnay et du chenin…mais aussi 28 ares de menu-pineau (orbois) et 30 ares de meslier-Saint-François, deux vieux cépages blancs de la région. « Le menu-pineau était très répandu dans le Loir-et-Cher, car plus précoce que le chenin. Quant au meslier-Saint-François, beaucoup plus rare, il n’en reste que 3 ha référencé au niveau national aujourd’hui ! », souligne le vigneron. Lorsqu’il reprend le domaine en 2007, il choisit de conserver les deux parcelles. Assez difficile à conduire, et ne produisant pas de façon régulière, le meslier-Saint-François offre des raisins plutôt acides, à la maturité hétérogène, pour des cuvées en assemblage avec le menu-pineau, en vin tranquille, suite à des élevages longs sans SO2 légèrement oxydatifs, et protégés par des lies. Avec 4 000 bouteilles les bonnes années, Climat n°2 trouve sa place dans la gamme. « À partir de 2021, je vais essayer de travailler l’élevage en barrique », poursuit le vigneron, qui s’amuse aujourd’hui de voire cette cuvée parmi les plus chères de son domaine. « Grâce à ces cépages oubliés, vous arrivez à rentrer chez certains cavistes, et vous pouvez ensuite leur présenter votre gamme. C’est un atout commercial ! » Pour le vigneron, également Président d’Interloire, grâce à la directive VIFA (1) de l’INAO, il y a une place pour des essais de cépages originaux en Val-de-Loire dans les ODG, certains locaux oubliés, mais aussi de plus lointains, notamment le riesling, le viognier, ou le vermentino italien, en complément des sauvignons par exemple.
Lorsqu’il reprend les 12 ha du domaine de Villalin à Quincy en 2019, le jeune vigneron de 28 ans Maximilien de La Chaise choisit de garder une parcelle de 1,10 ha de genouillet et la vigne mère associée. « Arracher une vigne coûte de l’argent, mais surtout, je me disais qu’avec ce beau cépage, il y avait des choses intéressantes à faire. » Pour le vigneron, ce cépage tardif donne des vins typés, valorisés en VSIG. « Sans cahier des charges, il est possible de faire ce que l’on veut, et d’ailleurs, vous avez peu de données sur les façons de travailler le genouillet… Ici, je le vinifie en pur, et l’objectif est aussi d’imaginer un apéritif à bulles, avec un passage en fût pour lui donner plus de corps. ». L’avantage de ce cépage tardif est de pouvoir laisser du temps pour le travailler, insiste Maximilien de La Chaise. « En 2020, nous l’avons récolté autour du 20 octobre ! Et il était encore un peu vert, arrivant à peine à 12°. Avec le réchauffement climatique, nous avons besoin de cépages tardifs, avec des maturités phénoliques plus importantes. ». D’un point de vue commercial, si le genouillet est un cépage ancien, sa vente reste jeune et assez compliquée, reconnait Maximilien de La Chaise. « Mais ce vin plaît aux amateurs et aux personnes qui souhaitent coller leurs amis avec un vin méconnu ! »
Au domaine Xavier Frissant à Mosnes (37), les premiers fiés gris (sauvignon gris) ont été plantés en 1994. « Quatre ans après mon installation, je souhaitais tester autre chose que les cépages classiques du catalogue, et un ancien du village m’avait dit de bonnes choses du fié gris, cépage qui vieillissait bien ». Avec 1 500 pieds plantés sur 20 ares, le vigneron récolte au départ peu de raisin, mais d’une qualité prometteuse. De fil en aiguille, il replante ce cépage rare, pour atteindre 3 ha sur les 18 ha du domaine. « Il fallait se faire la main sur ce cépage, à la fois au niveau du végétal mais aussi des vinifications. Nous avons mis 5 à 7 ans à obtenir le style de vin que nous cherchions. S’en sont suivies de belles critiques dans la presse ! ». Si un clone de fié gris est proposé au catalogue, il y a une variabilité énorme entre les plants, ce qui permet de garder une belle diversité, souligne Xavier Frissant. Avec 30 hl/ha de moyenne, il vendange entre 70 et 120 hl par an de fié gris, vinifié pur en IGP Val-de-Loire. « Avec la hausse des températures, le cépage voit malheureusement son acidité dégradée, et depuis 2014 on lui observe une perte de fraicheur. » Malgré tout, le vigneron défend son cépage ancien, qu’il ne considère plus comme rare suite aux nombreuses replantations. « La clientèle reste à l’affût de découvertes, et ce cépage encore méconnu est l’occasion de la satisfaire ! »
Sur les huit cépages que compte le domaine Réthoré-Davy à Saint Rémy-en-Mauges figurent depuis 2010 le viognier et la syrah. « Nous avons fait le choix d’ajouter ces cépages dans un souci d’adaptation à l’évolution du climat et par goût pour ces profils de vin, présente Christophe Réthoré. Avec nos sauvignons, nous sommes sur des notes florales, d’agrumes. Le viognier est plus sur le fruit, l’abricot. Et face à la difficulté de faire murir nos cabernets francs du fait des stress hydriques, la syrah nous est apparue comme une opportunité de proposer un vin rouge aux tanins fondus. ». Parti sur 60 ares des deux cépages, il compte actuellement 1ha de syrah et 1,80 ha de viognier, vinifiés en 100%, et valorisés sans appellation. « Il faut du temps pour maîtriser de nouveaux cépages sur un terroir. Le palissage est assez complexe pour ces deux cépages très poussants, ainsi que la régularité des rendements. Si nous avions planté en premier lieu sur des terres sèches, nous avons replanté par la suite sur des terrains plus frais. Le choix des clones est surement à améliorer aussi. ». Sur ses terrains schisteux, le vigneron récolte entre 50 et 65 hl/ha. « Ici, le viognier est plus facile à maîtriser. La Syrah a des rendements plus fluctuants et subit plus fortement les gelées printanières car implantée sur un secteur précoce. ». Christophe Réthoré reconnait que les retours de la clientèle sont variés : « Certains apprécient l’originalité de ces cépages dans la gamme, alors que d’autres trouvent ça hors contexte pour la région. Il faut accepter ces avis divers. Le but est surtout d’obtenir une typicité Val-de-Loire quel que soit le cépage ! »
Le 11 mars dernier, une journée, organisée par InterLoire, a rassemblé la commission technique d’InterLoire, les fédérations viticoles, les ODGs, des techniciens de l‘IFV et des chambres d’agriculture afin de réfléchir sur l’intérêt de la mise en place de cette directive et la méthode de cette mise en place au niveau de l’ODG dans une cohérence Val de Loire. Il en découlera un guide pour accompagner les ODGs dans leur réflexion.