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01.04.2025

Changer de pratiques grâce au collectif


Matériel végétal

Itinéraires viticoles

Changer de pratiques grâce au collectif

Le groupe « 30 000 » de l'AOP Chinon, fort de 12 vigneron(nes), a choisi comme thème la gestion de la prise de risque en lien avec l’adaptation des pratiques au dérèglement climatique, en clôture d’un projet collectif lancé en décembre 2020. Cette matinée technique s’est déroulée au sein de la maison des vigneron(nes) de Chinon, le mardi 4 mars 2025.

En introduction de la matinée, un bilan des travaux du groupe « 30 000 » a été présenté. Sur les 4 années du projet, l’objectif initial du groupe a été d’agir collectivement pour développer un système de production viticole économe en intrants et créer une dynamique au niveau de l’appellation Chinon. Plusieurs thèmes ont été travaillés entre 2021 et 2024 comme l’aménagement des parcelles et leur environnement, l’entretien du cavaillon, les couverts végétaux inter-rang et les moyens de lutte alternatifs. « Mais les enjeux économiques et la capacité à prendre des risques, associés à un contexte climatique très défavorable, ont été des freins majeurs dans un projet de changement de pratiques. L’important, c’est aussi d’être convaincu du bienfondé des actions sans forcément attendre un retour sur investissement », souligne Aurélien Schlienger, membre du groupe et co-présentateur du bilan.

Les couverts végétaux :  bénéfiques sous conditions

« Le maintien de la production est un enjeu majeur aujourd’hui pour le vigneron. Et en termes de pratiques culturales, la couverture des sols constitue une solution pour maintenir les rendements dans le contexte climatique actuel. Cela a été observé en année sèche (2022) comme en année humide (2024) », rapporte Adeline Mallet, conseillère viticole à la Chambre d’agriculture d’Indre et Loire. L’implantation de couverts végétaux a aussi de multiples avantages. Les observations ont montré que cette pratique pouvait être bénéfique sur l’augmentation du taux de matière organique et la fertilité des sols, dans la gestion de la flavescence dorée et la régulation des ravageurs, grâce à la diversité du milieu. Dans le cas d’un gel de printemps, son effet bénéfique est mitigé et dépend de sa gestion et des conditions d’humidité du millésime. Le couvert maintient l’humidité au niveau du sol et donc accentue le phénomène de gel. En même temps, la présence d’un paillage inter-rang a pour effet de retarder le débourrement. « Pour obtenir un impact positif du couvert, il est donc important de bien maîtriser son itinéraire technique et agronomique (gestion de la date de semis et modalités de destruction du couvert) et de bien gérer la contrainte hydro-azotée », souligne en conclusion la technicienne.

Adapter les pratiques aux nouveaux enjeux dans un contexte d’AOC 

Les objectifs des exploitations ont évolué compte tenu du dérèglement climatique et de l’évolution des marchés. Comment ? L’objectif des structures viti-vinicoles est d’aller vers des socio-écosystèmes viticoles de plus en plus résilients en changeant de pratiques viticoles et en diversifiant à tous les niveaux. S’appuyer sur un collectif (les syndicats d’AOP, les groupes « 30 000 ») pour coopérer et partager les connaissances est aussi favorable au changement de pratiques. A l’échelle de la parcelle, on peut diversifier les pratiques pérennes (matériel végétal, conditions de plantation), semi-pérennes (taille, entretien du sol, hauteur haie foliaire) et annuelles (travaux en vert, traitements phytosanitaires et amendements). On peut aussi diversifier les activités de l’exploitation (vitipastoralisme, vitiforesterie, œnotourisme).

« En termes de matériel végétal, plusieurs voies sont exploitables à moyen et long terme. En premier, celle de la diversité variétale via la solution VIFA (intégration dans le cahier des charges d’AOP de variétés d’intérêt à des fins d’adaptation) ou l’utilisation plus importante de cépages accessoires (Exemple :  Grolleau pour l’AOC Anjou rouge, Pineau d’Aunis pour l’AOC Saumur Champigny). L’autre voie possible est la diversité clonale au niveau parcellaire en utilisant le potentiel génétique connu de chaque cépage (parcelles polyclonales). Dans le cas du chenin, 4 clones représentent 90% de la surface plantée en France sur un potentiel de 14 clones existants. Pour le cabernet Franc, 3 clones représentent 83% de la surface plantée en France sur 31 clones existants », indique Cécile Coulon-Leroy. Comme la diversité clonale, la diversité des porte-greffes est un levier d’adaptation majeur à explorer davantage. « L’environnement des Indications Géographiques (AOC/IGP) est également favorable à la transition agro-écologique et à une production résiliente en intégrant de nouvelles pratiques via les cahiers des charges (CDC) », souligne Cécile Coulon-Leroy. Plusieurs voies réglementaires peuvent être utilisées pour modifier un CDC :   

  • Si d’après les connaissances scientifiques et techniques, les changements ont peu ou pas d’impact sur le produit ou le lien à l’origine : l’expérimentation n’est pas nécessaire et l‘on peut envisager de modifier directement le CDC
  • Si les changements ont potentiellement un impact sur le produit ou le lien à l’origine : soit des résultats d’expérimentations demandent à être confirmés par la mise en œuvre d’un dispositif d’évaluation de l’innovation intégré au CDC (DEI) ; soit il n’y a pas de résultats probants et il y a alors nécessité d’expérimenter en dehors du CDC (les produits ne pourront donc pas revendiquer l’AOC/IGP)
  • Il y a possibilité depuis 2020 d’intégrer dans les CDC, des dispositions agro-environnementales-type (DAE), voire des certifications environnementales.

« Par contre, de nouvelles pratiques peuvent être mises en œuvre en dehors du CDC, il ne faut pas obligatoirement tout codifier dans le CDC », indique Cécile Coulon-Leroy. Elle présente également deux solutions élaborées par Christel Renaud-Gentié et son équipe à l’ESA d’Angers : un outil pour évaluer l’impact environnemental de changement de pratiques :  le calculateur ACV (Analyse du Cycle de Vie) et un jeu de conception d’itinéraires techniques pour sensibiliser aux variations d’impact : VitiGame.

Gérer la prise de risque face aux enjeux du dérèglement climatique 

Selon Axa Climate, les rendements depuis 2000, quelle que soit la culture (abricot, blé, maïs, vin) tendent à stagner, voire à baisser avec une plus grande volatilité des rendements et du niveau de qualité. Cet effet « accordéon » devrait s’accentuer au fil des années, conséquence du dérèglement climatique.« S’adapter pour faire face aux aléas climatiques est inéluctable. Cela aura un coût significatif mais un coût bien inférieur à celui de l’inaction, indique Vincent Marchal d’AXA Climate. Les entreprises Agro-alimentaires qui investissent dans l’adaptation témoignent qu’1 euro investi rapporterait de 8 à 35 euros (source : BCG x World Economic Forum, janvier 2025) », ajoute le consultant. En prenant exemple sur une culture de maïs irrigué, Vincent Marchal montre qu’une adaptation partielle par évolution de la génétique et par optimisation de l’irrigation n’est pas suffisante. L’agriculteur doit envisager une adaptation globale en adoptant, en complément, des pratiques favorables à la qualité des sols et à la diversification. Il faut adopter une démarche systémique pour passer d’un système conventionnel à un système durable en réduisant les intrants et le travail du sol, en augmentant la diversité biologique et en privilégiant les amendements organiques. Cette démarche systémique permettra de stabiliser les rendements, d’optimiser l’usage des ressources (eau et azote), d’améliorer la qualité du sol et de stabiliser la marge des exploitations.

Quelles réponses possible côté assurance ? L’offre assurantielle est en train d’évoluer pour accompagner davantage les exploitations pour faire face aux enjeux climatiques. Plusieurs solutions assurantielles existent actuellement sur le marché. Par exemple, le concept d’assurances de la transition garantit aux agriculteurs, changeant leurs pratiques, qu'ils ne seront pas pénalisés économiquement. D’autres assurances dites spécifiques permettent d’assurer un changement de pratiques en particulier. Par ailleurs, des formules sont désormais proposées, engageant non seulement l’exploitant, mais également un intermédiaire qui apportera une garantie de suivi technique, par exemple une coopérative ou un distributeur d’agro-fournitures : c’est le principe de la mutualisation du risque. « Ces dispositifs n’ont pas pour objectif de répondre à une problématique individuelle récurrente. Ils interviennent en dernier ressort quand il y a un trou dans la raquette », indique Vincent Marchal. Par ailleurs, des travaux d’expérimentation sont actuellement conduits (projet VitiRev, projet Behave) par des équipes de chercheurs en économie, sur l’opportunité de créer un dispositif de soutien assurantiel couvrant les risques de pertes de récoltes liée aux maladies fongiques.

Pour en savoir plus :

« Contexte et présentation du projet collectif « groupe 30 000 », Alice Boulanger, Fredon Centre Val de Loire

« Démarrer les couverts végétaux- Lever les croyances et les points clés », Adeline Mallet, Chambre d’agriculture d’Indre et Loire

« Adaptation des pratiques viticoles aux nouveaux enjeux dans un contexte d’AOC », Cécile Coulon-Leroy, ESA Angers

« Vers un dispositif assurantiel levier de transition agro-écologique », actualité TechniLoire

« Vers une assurance maladie de la vigne », article Echosciences-paysdelaloire.fr

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