09.07.2018
Matériel végétal
Dans le Val-de-Loire, plusieurs projets de plantation de vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium sont en cours. Voici deux témoignages d'opérateurs qui doivent planter dès 2019 ces nouveaux cépages porteurs d’espoirs, mais aussi d’interrogations.
Frédéric Nouet, responsable vignobles chez Orchidées Maisons de Vin
« Au sein du vignoble Ackerman, nous sommes déjà dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires, sensibilisés par la santé de nos salariés et de nos clients. Pour cela, nous expérimentons beaucoup sur notre vignoble, via l’emploi de produits de biocontrôle par exemple. Avec les cépages résistants, nous souhaitons aller encore plus loin dans cette démarche de réduction d’intrants. Nous allons planter au printemps 2019 des cépages ResDur blancs, Floréal et Voltis, sur une surface qui dépendra des plants disponibles. Entre 1 à 2 ha serait l’idéal pour assurer une unité de vinification minimale. Nous avons besoin de visualiser le comportement de ces cépages, et voir s’ils correspondent à nos attentes en termes de production et de profil de vin. Nous avons aussi des doutes, sur leur possible sensibilité à d’autres maladies cryptogamiques, notamment black-rot, avec l’arrêt des traitements anti-mildiou et anti-oïdium.
Car notre but est bien d’arrêter l’emploi total de fongicides de synthèse sur ces vignes résistantes, et n’utiliser que du biocontrôle en cas de besoin. Contre l’oïdium, nous pourrons employer du soufre, et contre le mildiou, il y a des produits à base d’écorces d’orange, de squelettes d’exosquelette des crustacés, de pectine issu de la peau d’agrumes et de pommes, des dérivés de levures, sans oublier les produits à base d’algue pour stimuler la croissance de la vigne.
Nous allons planter ces cépages à une densité comparable à celle pratiquée sur nos autres vignes, pour ne pas avoir recours à un matériel spécifique dans les vignes. Comme nous serons hors AOC, nous testerons surement différents modes de taille pour suivre la fertilité des cépages résistants. Le but est de connaître l’impact sur les rendements et les profils produits. Si la première année de production est prévue pour 2021-2022, il faudra cependant attendre 2023-2024 pour commencer réellement la taille de production.
Floréal et Voltis semblent être des cépages qui se suffisent à eux même en vinification, avec une aromatique proche du Sauvignon. Nous pourrons aussi tester des assemblages, avec des cépages sur la même trame aromatique. En production de fines bulles, ces cépages apportés en assemblage pourraient révéler encore davantage certains aromes lors de la 2e fermentation, et particulièrement sur nos cuvées situées dans une gamme plus innovante en termes d'assemblage. Notre cuvée "Nouvel Esprit" valorise d’ailleurs déjà de nouvelles pratiques autour de la biodiversité et de la réduction de sulfites, et les cépages résistants pourraient très bien compléter cette démarche. Nous allons dans un premier temps communiquer auprès de nos viticulteurs apporteurs, pour échanger sur les résultats de ces nouveaux cépages, puis dans un deuxième temps, nous pourrons mettre en avant la démarche auprès de nos clients. »
Jean-Michel Morille, domaine Morille-Luneau
« Nous sommes candidats à la plantation en 2019 du cépage résistant Floréal, jusqu’à 1 ha. Mais pour l’instant, nous sommes sans retour de l’IFV sur la disponibilité de plants (au 26 juin). Avec les cépages résistants, il y a un virage à prendre qui ne doit pas être laissé qu’aux autres. Pour réduire nos interventions phytosanitaires, nous devons nous donner tous les moyens d’y arriver. Les cépages résistants y contribueront, même s’ils ne seront pas exempts de traitements anti-mildiou. Cependant, avec 2 anti-mildiou au lieu de 6, vous réduisez de 2/3 vos interventions, ce qui est déjà énorme ! Dès que nous serons assurés d’obtenir les plants résistants, nous annoncerons la démarche de plantation, pour ne pas garder cela secret.
Nous savons élaborer des blancs, et le choix du cépage blanc Floréal va dans ce sens. J’ai pu le gouter à plusieurs reprises, et ses qualités organoleptiques, avec un caractère floral et fruité, sont dans l’air du temps. Si nous envisageons dans un premier temps de le vinifier seul, il se peut aussi que nous fassions des assemblages par la suite.
Mais il faudra attendre les premières récoltes en 2020-2021. À termes, nous pourrions planter plusieurs hectares de Floréal. Ce cépage, pour l’instant hors appellation, pourrait trouver son créneau tel quel, dans une démarche de viticulture durable. Ensuite, il pourrait être intéressant d’envisager d’intégrer ce type de cépage dans les appellations, dans une certaine proportion, en attendant que nos cépages traditionnels deviennent un jour peut-être eux-aussi résistants. »