07.07.2015
Matériel végétal
Les élèves du CFPPA du Lycée Edgar Pisani de Montreuil-Bellay ont organisé le 22 avril un aprèsmidi sur le grolleau noir. Ce cépage est surtout utilisé dans le Val de Loire en assemblage pour l’élaboration de vins rosés secs, effervescents ou rouges. Il existe depuis les années 2000, une tendance à le travailler seul pour élaborer des vins rouges fruités et de concentration. Zoom sur ce cépage originaire de l’Indre-et-Loire…
Une cinquantaine de vignerons ont assisté à quatre interventions allant du matériel végétal à l’accord mets-vins en passant par le mode de conduite et la vinification du grolleau. Les recherches bibliographiques des élèves du CFPPA ont permis de présenter l’histoire du grolleau. Il est identifié pour la première fois en 1810 à Mazières-de-Touraine puis en 1834 à Cinq-Mars-la-Pile et prend le nom de groslot de Cinq-Mars. En 1842, la présence du groslot est noté en Maine-et-Loire à Louerre, aux Alleuds puis à Tigné lors de la création du vignoble. En 1868, Jules Guyot fait un tour de France pour cataloguer les cépages existants et souligne l’existence du cépage en Maine-et-Loire, Indre-etLoire et Loir-et-Cher. En 1958, 11 400 ha sont plantés avec du grolleau…. En 2015, il en subsiste 2111 ha dont 77% en Maine-et-Loire.
Le conservatoire de Montreuil-Bellay géré par l’IFV permet de maintenir une collection de 207 clones de grolleau blanc, gris et noir depuis 1996. Suite à un travail de présélection réalisé entre 1999 et 2005, une collection d’étude de grolleau noir a été plantée en 2011. Elle contient 8 clones et un témoin (Cl366). Depuis, des suivis sont réalisés sur la phénologie, la récolte et la vinification de chacun d’eux. Les premiers résultats ont été présentés à l’occasion de ce rendez-vous technique. Ainsi en 2014, il est noté que deux clones, les E87 et E110 dans une moindre mesure ont un cycle végétatif plus tardif sans que cela induise une différence de maturité. Les E105 et E112 sont moins productifs et moins sensibles à la pourriture grise. Ils présentent aussi une concentration en acide malique moins importante (-25% par rapport au témoin) et donc un intérêt pour la vinification en rosé de Loire. Le niveau qualitatif général des vins produits (en rouge) lors du millésime 2014 a été très apprécié lors de la séance de dégustation ouverte aux professionnels, avec des différences organoleptiques permettant d’envisager un bel avenir pour certaines accessions. Ce travail de suivi se poursuivra jusqu’en 2020. Notons que depuis l’évolution de la réglementation sur la diffusion du matériel végétal, il est possible d’obtenir du matériel issu de conservatoire. Ce matériel « Biodiversité Vigne » est un gage de diversité importante par rapport à une simple sélection massale. Par contre, l’objectif d’un conservatoire étant de rassembler et d’étudier la diversité la plus étendue possible au sein d’une variété, le matériel végétal qui en est issu ne présente aucune garantie agronomique. Il est attesté au niveau sanitaire et est diffusé en tant que matériel standard.
Le domaine de Mirebeau à Rablay/Layon possède 1,30 ha de grolleau dont 34 ares datant de 1921, le reste a été planté en 2009. « Nous taillons en gobelet double à 15 yeux et travaillons les sols. Les rendements sont de 15-20 ha/hl sur les vieux grolleaux et 25 hl/ha sur les jeunes », témoigne Bruno Rochard. Une partie de ces grolleaux est palissée ce qui a permis à l’ATV49 de comparer économiquement la conduite du grolleau en palissé et non palissé. La différence, au final, est de 1365 euros/ha/an par rapport à la partie non palissée. « Il faut donc atteindre un volume de 83 hl/ha pour compenser le surcoût lié au palissage sans compter le coût de vinification », précise Nicolas Rubin de l’ATV49. « Mais quand il y a du vent, le palissage permet de garder le raisin sur la vigne car le grolleau a un port très cassant ! », remarque le conseiller. La difficulté du palissage sur le grolleau réside justement dans la fragilité du cépage et du fait qu’il produise peu de vrille : il ne s’accroche pas au fil. Autre caractéristique du grolleau, sa très forte sensibilité à l’excoriose, à la coulure et au millerandage. Pour produire un vin rouge fruité à 65 hl/ha, il est conseillé de viser un ratio feuille/fruit de 1 à 1,5 m²/kg de raisin et une SFE entre 8500 et 12700 m²/ha. Pour un vin d’élevage produit à 45 hl/ha, le ratio devra se situer entre 1,5 – 2 m²/kg et la SFE entre 8800 et 11700 m²/ha.
La maturité du grolleau arrive entre 10 à 15 jours avant celle du cabernet franc. « L’état sanitaire déclenche très régulièrement la récolte, les rafles aoutent peu et les pépins restent souvent verts. C’est pourquoi, je fais des extractions longues et douces », confie Sylvain Potin du Clau de Nell dont l’objectif est de produire des vins 100% grolleau concentrés et structurés. « Je vinifie les presses séparément et élève les vins 50% en cuve, 50% en fûts de minimum 3 vins. Je note souvent de la réduction sur les vins issus de cuve. Il faut être très vigilant sur ce point et il me semble qu’il y a un effet millésime très fort », ajoute-t-il. Le grolleau ne donne jamais des vins aux degrés très élevés (12.4% vol. en 2011 par exemple et 11.5 % vol. en 2013). Un atout dans un contexte de réchauffement climatique engendrant des degrés en alcool des vins plus forts et une demande consommateur accrue pour des vins à faible degré. Les vins issus de grolleau ont des acidités moyennes à basses par rapport au cabernet franc et une structure tannique moindre. L’équilibre se fait sur le gras, la structure et la fraicheur. Ce rendez-vous technique s’est terminé par une discussion portant sur la valorisation du grolleau. Pourquoi ce cépage faisant partie intégrante du patrimoine n’occupe pas plus de place dans les AOP, s’interrogent les vignerons présents. Une question à mettre peut-être en lien avec une utilisation assez récente de ce cépage pour élaborer des vins en monocépage et une évolution importante des modes de conduite depuis les années 80-90….