27.03.2023
Itinéraires viticoles
La mise en réserve est probablement un des principaux facteurs clés pour faire face aux aléas climatiques. Ajuster sa taille, gérer ses couverts et garantir un feuillage de qualité le plus longtemps possible sont des pistes à mettre en œuvre, pour accroître les réserves de la vigne, et garantir sa productivité.
Stockées sous forme d’amidon dans les racines, le tronc et les charpentes, les réserves glucidiques de la vigne lui permettent de mettre en place des stratégies d’adaptation pour éviter des accidents physiologiques de dysfonctionnement hydraulique, notamment la cavitation, les thylloses et en stade final l’apoplexie ou dépérissement (cf. travaux de Chloé Delmas, directrice de recherche, INRAE Bordeaux). « En fonction du niveau de mise en réserve, de l’état de santé de la plante, de l’état de son système racinaire, du niveau de fertilité des sols, les vignes peuvent plus ou moins bien faire face aux nombreux stress climatiques de plus en plus récurrents ces dernières années », insiste Adeline Boulfray-Mallet, conseillère viticole à la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Coups de chaud, déficits hydriques ou encore gels tardifs : face à ces épisodes, la vigne doit en effet mobiliser de l’énergie stockée dans ses réserves pour être résiliente.
Pour optimiser la mise en réserve, l’enjeu sera de maintenir une photosynthèse active, en particulier en veillant à disposer d’une fourniture en eau suffisante dans le sol pour le transport des éléments minéraux (dont le phosphore, le potassium, le calcium…). « On peut citer les emplois de talc, d’argile ou de silicate de calcium pour abaisser les températures et limiter l’évapotranspiration au niveau des feuilles », poursuit la conseillère. Les engrais foliaires, largement employés en arboriculture, sont également une piste à creuser pour favoriser le stockage de réserves glucidiques. « Je pense qu’ils vont encore plus se démocratiser en vigne dans les années à venir. » La question de la taille est centrale, avec de vraies marges de progression. « Former les vignerons aux tailles non mutilantes en respectant les flux de sève est essentiel pour lutter contre le dépérissement et améliorer la mise en réserve, qui doit être vu comme un fil rouge », insiste Adeline Boulfray-Mallet. « Avec une mise en réserve qui se poursuit jusqu’à fin janvier, l’idéal serait de réaliser la taille à partir de cette date jusqu’à 3 semaines avant débourrement, selon elle, ajoutant : « De ce point de vue, le prétaillage dès novembre est une énorme bêtise ! À noter que les tailles à baguettes ou les gobelets ont mieux résisté au gel dans le sud de la France en 2021 que les parcelles taillées en cordon (observation faite dans des situations comparables) ». Pour Hugues Daubercies, conseiller en viticulture indépendant, membre de Loeil Consultants, la gestion de la taille en respectant les flux de sève est en effet un enjeu majeur mais il demeure sceptique sur le bénéfice des engrais foliaires. « Dans le but de se prémunir des gels tarifs, la tendance est à la taille tardive. Mais du débourrement au stade 7-8 feuilles étalées, la vigne vit sur ses réserves. Tailler au-delà du stade bourgeon éclaté, c’est pénaliser une partie des réserves du pied. Aussi, laisser des baguettes plus longues pour compenser certains yeux mal-débourrés lié à un manque de vigueur n’est pas stratégique. Il est préférable au contraire de raccourcir les baguettes pour adapter la charge à la vigueur. », conseille-t-il.
Une bonne mise en réserve étant aussi très liée à un système racinaire fonctionnel, Adeline Boulfray-Mallet rappelle l’importance de l’établissement en profondeur d’un système racinaire favorisé par un temps de repos suffisant après arrachage et plantation, une bonne préparation du sol et un ameublissement biologique apporté notamment par des couverts (cf. « Réussir sa plantation, première étape face au risque de sécheresse»). « Les vieux enherbements sont aussi un gros problème, concurrençant la vigne en azote et en eau », complète Hugues Daubercies. Il faut retrouver des bases agronomiques, en détruisant ces vieux enherbements pour mettre des engrais verts, afin de redonner de la vigueur à la vigne. », conclut-il.
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