05.12.2022
Itinéraires viticoles
Protection du vignoble
Il n’est plus à démontrer que la taille respectueuse du flux de sève permet de limiter les maladies du bois. Le webinaire organisé par vitisphère le 17 novembre dernier a mis en exergue l'intérêt de la taille et de ses conséquences sur le fonctionnement de la plante en cas d'aléas.
Lors de la taille, les plaies mutilantes génèrent du bois mort. L’accumulation de ce bois mort entraîne un déséquilibre de la plante. « Les maladies du bois sont les conséquences de ces plaies mutilantes. Les champignons responsables de ces maladies, viennent s’installer dans le bois mort par opportunisme… mais dans un second temps », précise François Dal du SIVAC. Si une taille respectueuse (Guyot Poussard, qui s’adapte à toutes les tailles) n’élimine pas les maladies du bois, elle les limite et a, en ce sens, un impact sur le rendement. Tous les essais menés par le SICAVAC vont dans le même sens et comme l’illustrent ces résultats d’essai sur une parcelle de 7 ans, mettent en avant une différence colossale du pourcentage de ceps morts et donc de la productivité.
« Notez que l’inversion du flux de sève provoquée par de mauvais choix de taille, bloque ce flux et engendre une très mauvaise alimentation du feuillage par la sève qui a du mal à monter. Quand il fait très chaud, la plante n'arrive pas à alimenter le feuillage... Ces blocages sont d'autant plus graves sur les jeunes vignes » souligne François Dal. Des essais de taille menés par la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire sur des vignes de 5 ans montrent une défoliation plus intense sur la partie taillée classiquement (Guyot simple) par rapport à une taille en Guyot Pousard, avec un impact significatif sur les rendements et la mise en réserve.
Carole Dumon, maître tailleur chez Simoni & Sirch préconise la taille ramifiée pour lutter contre le stress hydrique. « Dans les esprits, la taille sert à raccourcir la structure, en coupant donc dans le vieux bois avec souvent des plaies importantes et profondes. C’est en fait une mutilation qui finit par entraîner la mort du cep. Il faut accepter d’allonger la structure de la vigne, quel que soit le type de taille, afin de créer du bois vivant qui permet des réserves et une bonne circulation de l’eau dans la plante. Un pied avec du bois vivant résistera mieux à la sécheresse et utilisera mieux l'eau », explique-t-elle. Et de conseiller un allongement de 10-15 cm en 20 ans pour que celui-ci ne soit pas trop important et éviter que le bois ne grossisse plus. « La taille ramifiée c’est ni plus ni moins que la construction annuelle de bois vivant avec de petites plaies de taille. Une taille qui permet l’augmentation de la capacité de mise en réserve, une meilleure fertilité, une pérennité du ceps et une meilleure résilience aux aléas climatiques », conclut-elle. Par rapport à l’aléas gel, cette approche présente aussi son intérêt. Dans un essai réalisé sur merlot comparant pendant 10 ans la taille cordon classique à la taille cordon ramifiée, l’année 2021 où tout a gelé, la vigne s’est comportée différemment entre les deux modalités après le gel. « En taille cordon classique, il y a eu beaucoup de pampres moins fertiles avec un impact négatif sur le rendement, alors qu’en taille cordon ramifiée, avec la constitution de bois vivant, les yeux sur les tourelles ont aidé à avoir une pousse active après le gel avec du raisin et un impact moindre sur la production ! », conclut la consultante.
Autre moyen de se protéger du gel est la taille tardive, qui permet de décaler les stades phénologiques et donc la sensibilité de la plante au gel. Thomas Gouroux de la Chambre d’agriculture de Côte d’Or a ainsi comparé deux process de taille : une taille définitive en février ou fin mars et une taille en deux temps avec un démontage en février et un plumage mi-mars ou fin mars sur chardonnay. Les résultats révèlent un impact positif sur la diminution des dégâts de gel de la taille tardive et de la taille en deux fois :
Mais attention souligne le conseiller « La taille tardive impacte la mise en réserve donc la vigueur car on monopolise beaucoup de sève brute sur un nombre important de bourgeons qu'on ne va pas garder. On épuise le pied. Il faut éviter de la faire sur des vignes trop faibles. L’application de la taille tardive est à raisonner sur l'ensemble du parcellaire en fonction de la vigueur, de la vitesse de débourrement de la parcelle (débourrement plus tôt c'est là qu'il faut intervenir plus tardivement) et selon le risque de gel (topographie). Pour la taille en deux temps, la valorisation entre aussi en jeu car il faut prévoir entre 30 et 40 % de temps supplémentaires les premières années ». Dernier conseil, ne pas tailler trop tardivement (avant le débourrement) au risque d’avoir une baisse de production liée à la baisse de vigueur et non au gel !