22.02.2021
Itinéraires viticoles
Intrants viticoles
Le carbone est de plus en plus au centre des enjeux agricoles. Pour rappel, l’initiative internationale « 4 pour 1000 » lancée par la France en 2015 lors de la COP 21, vise une croissance de 4‰ des stocks de carbone par an dans les premiers 30 à 40 cm de sol pour compenser de manière significative les impacts des GES, dont le CO2, liés aux activités humaines.
Est-ce un enjeu fort pour les sols viticoles ? Oui et non, répond Jean-Yves Cahurel, du pôle Beaujolais-Savoie de l’IFV : « Non, car la surface viticole française est faible, seulement quelques pourcents de la SAU totale. Mais oui, car les sols viticoles sont assez pauvres en matière organique, et il est donc facilement possible de progresser, d’autant plus que les pratiques actuelles vont dans le bon sens ! ». Enherbement des inter-rangs, apports de bois de taille, engrais verts, fertilisation organique… Autant d’actions favorables au stockage du carbone. Entre 2007 et 2019, un réseau « matière organique » a été déployé par l’IFV, pour améliorer la connaissance des impacts des produits apportés, en lien avec les besoins au niveau du sol. « Initialement, ce réseau était dédié à la gestion de la matière organique d’un point de vue agronomique, mais les données obtenues nous servent désormais à creuser la question du stockage de carbone », indique Jean-Yves Cahurel.
Dans l’Anjou, une parcelle de la commune de Saint-Jean-des-Mauvrets fait partie de ce réseau matière organique depuis 2009, subdivisée en deux : travail du sol / enherbement (MO : 1,7%). Quatre modalités ont été suivies, détaille Marie Bonnisseau, de l’IFV d’Angers : témoin sans apport, compost du commerce, compost de marc de raisin, ou compost de déchets verts. « Les apports réalisés tous les 4 ans étaient calculés pour équilibrer la perte théorique de carbone sur la parcelle, voire de l’accroître. Avec la partie enherbée, l’apport de carbone suffisait à compenser les pertes. Pour les autres apports, nous commençons à voir certaines choses : les modalités avec apport de compost de déchets verts bénéficient d’un impact positif sur les rendements et la vigueur. Les résultats ne semblent pas meilleurs avec les amendements du commerce…pourtant six fois plus chers ! ». Grâce aux données collectées, un modèle est en cours de construction, sur la base du modèle AMG de l’Inrae, créé en 1999 et qui simule l'évolution du stock de carbone organique du sol. « En 2021, nous finalisons l’outil avec la réalisation de l’interface. La sortie de l’outil est prévue d’ici fin 2021, voire début 2022, pour les conseillers avant tout », planifient les ingénieurs de l’IFV. En entrant dans le modèle les caractéristiques du sol, la climatologie et les pratiques viticoles, l’objectif est de pouvoir définir l’évolution du carbone dans les sols, et donc le stockage potentiel.
À Saint-Jean-des-Mauvrets, le suivi de la parcelle est assuré jusqu’en mars 2022 « Les travaux sur le statut organique des sols doivent être menés sur le temps long, comme cela a été fait dans le chinonais par René Morlat de l’Inrae il y a des années, et dont les travaux nous servent aujourd’hui à paramétrer l’OAD-MO », insiste Marie Bonnisseau, qui espère pourvoir continuer d’étudier ladite parcelle encore quelques années. Pour ce qui est d’une éventuelle rémunération du stockage de carbone, les montants semblent pour l’heure bien trop faibles pour motiver les vignerons dans cet unique objectif, estime Jean-Yves Cahurel : « Accroître les teneurs en carbone dans ses sols résulte bien plus d’une logique agronomique ! » Et l’objectif n’est pas de chercher à avoir toujours plus de carbone dans ses sols mais de contribuer à améliorer ses propriétés comme par exemple sa porosité et sa structure tout en augmentant la vie du sol !