29.10.2015
Millésime
Profils aromatiques intéressants et bonnes cinétiques fermentaires pour les rouges, richesse aromatique et finesse pour les rosés : voilà le constat à ce stade des vinifications dans le Val de Loire. Attention aux risques d’oxydation, les vins sont particulièrement sensibles cette année. Il faudra être vigilent et le tra- vail au chai nécessitera beaucoup d’exigence.
Aux Caves de la Loire, les vendanges en rouges se sont terminées le 15 octobre. Les maturités ont été pous- sées au maximum sur les anjous village Brissac, avec de beaux profils aromatiques sur les jus, donnant de très beaux espoirs pour les vins, souligne Frédéric Moreau, œnologue de la coopérative. En Anjou rouge, le millésime s’oriente sur des vins aux profils légers et fruités, complète-t-il. « Sur Saumur-Champigny et Chi- non, les fermentations ont été très rapides, elles se sont terminées en 5 jours. Il faut donc veiller à extraire de manière plus précise en jouant éventuellement sur les températures ! ». Sur Saumur-Champigny et Chi- non, les vendanges se sont déroulées du 25 septembre au 10 octobre, explique Florent Doublier, directeur technique et œnologue chez Litov Œnologie. « Nous avons des profils de vin assez simples en cabernet avec peu de grosses matières et globalement de belles couleurs. Si la densité semble moins élevée qu’en 2014, le degré alcoolique est dans la bonne moyenne. » En rendements, la récolte 2015 semble un peu moins char- gée que la précédente. Les cinétiques fermentaires se passent correctement. « Les extractions aboutissent à des vins simples, avec des niveaux d’acidité hétérogènes. Mais nous avons davantage d’hétérogénéité sur les potentiels oxydo-réduction, avec des vins ouverts, sensibles à l’oxygène, met en garde Florent Doublier. Il faudra donc les manipuler avec précaution. »
De grosses différences semblent s’observer sur les rouges de l’Ouest de la Touraine, liées aux sécheresses, averses et aux sols, explique Philippe Gabillot de la chambre d’agriculture d’Indre et Loire. « Certaines fer- mentations ont été un peu languissantes. On note une sensibilité globale à l’oxydation, donc il faut éviter les cuves en vidange, et bien réaliser le sulfitage en fonction des pH : de 3 gramme pour des pH de 3 à 4 gramme pour des pH de 3,6. Nous avions craint un millésime avec une faible maturité, mais il semble fina- lement bien mûr, avec des vins gourmands, charnus, et une sucrosité étonnante. ». Du côté de la Touraine Est, les maturités ont pu être poussées sur les cabernets, sans détérioration de l’état sanitaire, donnant des raisins avec des pépins et des tanins mûrs. « Les cinétiques de fermentation sont plus longues, et dépassent 15 jours de cuvaison, avec près de 3 semaines grâce à une matière bien mûre. Nous avons cette année des arômes de cassis, mûre et non de poivrons comme parfois sur nos cabernets, ainsi que des tanins souples. », souligne Anne Buchet de la Chambre d’Agriculture du Loir et cher.
Dans le Loir-et-Cher, très peu de rouges ont été vinifiés en primeurs, observe Anne Buchet. Les vinifications se sont bien passées en gamays, pinots noirs, « L’équilibre acidité/pH est correct, même si l’on note des acidités un peu faibles en pinot noir. Nous observons des sensibilités à l’altération oxydative et microbienne. Il conviendra de sulfiter un peu plus, travailler en protection de cuve avec inertage total, ou avoir une mise en bouteille peut-être plus précoce. » Pour Anne Buchet, 2015 sera l’année du côt « avec des vins assez ex- ceptionnelles pour ce cépage, aux arômes de violette et de vieille rose. Les premières dégustations laissent présager de très belles choses. »
Sur l’Anjou, la récolte des cabernets pour les rosés s’est finie mi-octobre, et les vins étaient encore en fer- mentation la semaine dernière, précise Frédéric Moreau. « Il est encore tôt pour se prononcer, mais nous avons une belle richesse aromatique et un produit très fin, pour un très beau cabernet d’Anjou. » Un peu déçu par les rendements, les vignerons devraient cependant faire le plein au global. Côté rosés de Loire et rosés d’Anjou issus de grolleau et de gamay, les vendanges avant et après les pluies semblent correspondre à une année correcte sur l’Anjou, complète Frédéric Moreau « avec un peu moins de richesse que l’année passée. Il était grand temps de les rentrer, car l’état sanitaire commençait à se dégrader, mais nous avons eu de très jolis gamays et de jolis grolleaux rentrés à la cave. En cabernet, nous sommes cependant encore un cran au-dessus ! » Du côté des fermentations, pas de soucis particulier à noter aux Caves de la Loire. « Une belle acidité en cabernet, mais attention à l’acidité tartrique. »
Pour Florent Doublier, de Litov Œnologie, les profils fermentaires des vinifications en rosés sont assez clas- siques, sans problématiques d’arrêts. « Comme en rouges, nous avons de jolies expressions en rosés, mais là encore, avec moins de densité de matière, avec des vins plutôt simples, sans agressivité. Il y a donc un tra- vail à faire en presse pour récupérer du gras, de la matière en prenant garde à l’oxydation, en y allant avec précaution. ». Philippe Gabillot recommande de ne pas laisser des sucres résiduels dans les rosés. « Avec des teneurs en alcool dépassant les 13 voire 14 ° donnant des choses puissantes, il est plus intéressant de s’orienter sur des vins secs. En laissant du sucre, il faudra alors sulfiter davantage, d’où l’intérêt de travailler plutôt en sec, notamment en Noble-Joué. » Autre recommandation : limiter les oxydations, en travaillant en cuve pleine pour protéger les jus. Avec l’alternance de pluies et sécheresse cette année, les rosés de Tou- raine semblent offrir de belles expressions aromatiques, se réjouit Philippe Gabillot. Sur le Loir-et-Cher, la vendange a pu être ramassée bien mûre pour les rosés, avec des rendements a priori inférieurs à la moyenne ; les cabernets aux peaux épaisses et gros pépins, ayant donné moins de jus qu’espéré, explique Anne Buchet. Les vinifications sont actuellement terminées, sauf en rosés de cabernet. « Nous avons des arômes de fruits rouges très mûrs, de fraise confiturée, à la différence des arômes clas- siques plutôt amylique, bonbon anglais. Et l’acidité semble tout à fait correcte, même si nous avions eu peur qu’elle soit faible. Au final, cela permettra de beaux équilibres sur la fraîcheur en rosés. »