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26.03.2024

Pour que les vins de base stockés deviennent un atout qualitatif…


Itinéraires œnologiques

Millésime

Pour que les vins de base stockés deviennent un atout qualitatif…

Après plusieurs années de pénurie de volume, la récolte 2023 a été généreuse. Bien que la commercialisation soit dynamique, des volumes non négligeables de vins de base 2023 devront être stockés et mis en réserve au-delà des dates habituelles d’enlèvement par les élaborateurs. Comment assurer une bonne conservation de ces vins de base ? Comment transformer cet excédent en opportunité qualitative pour notre région ? c’est une problématique des mois à venir pour les vignerons concernés par le stockage inhabituel de vin de base.

Tous les vins de base ne sont pas aptes à évoluer positivement dans le temps. Théoriquement, l’élevage (stockage) de vins de base en vue de constituer des vins de réserve s’anticipe dès la récolte des raisins. Les vins issus des jus de cuvée (référence aux fractions de cuvée sélectionnées au cours du pressurage) vieillissent naturellement mieux que les vins de tailles (fractions de fin de pressurage) riches en polyphénols oxydables. Dans la mesure du possible, il faut essayer de conserver les fractions pures non assemblées, ou bien assemblées par type de jus : les cuvées entre elles, et les tailles entre elles. Même si, pour des raisons de disponibilité de cuverie, on doit assembler différents cépages. Aussi, les vins de base issus de Cabernet Franc, Grolleau ou Pinot auront une capacité à vieillir plus limitée que les Chenins ou Chardonnays compte tenu de la différence de pH et de composition polyphénolique.  

 Conditions matérielles pour une bonne conservation 

La mise en réserve des vins de base ne s’improvise pas et nécessite du matériel adapté. Les vins doivent être logés en cuves propres et désinfectées pour éviter des contaminations bactériennes.  Notamment pour les vins qui n’ont pas réalisés de fermentation malo-lactique, ceux-ci devront être stockés séparément des vins ayant fait leur fermentation malo-lactique. Bien sûr, les vins doivent être conservés en cuves pleines. Privilégiez les cuves béton car elles sont naturellement dotées d’une bonne inertie thermique, ou idéalement les cuves inox ou en émail mais dans tous les cas des récipients avec de petites ouvertures pour limiter la dissolution d’oxygène. Les cuves en fibre de verre ne sont pas adaptées car perméables aux gaz. Les cuves à chapeaux flottants ne sont pas recommandées : les chambres à air ne sont pas suffisamment sécurisantes et toujours poreuses. Les vins doivent être conservés à température constante, idéalement entre 8 et 10°C. Cela implique l’utilisation de cuves thermorégulées ou bien un stockage dans un lieu naturellement frais et de température constante.

Les bonnes pratiques œnologiques

Œnologiquement parlant, on peut également « aider » les vins à bien évoluer. Il est préférable de stocker les vins propres filtrés et de les recharger en CO2 dès la sortie de filtration jusqu’à concurrence de 1600 mg/l minimum en minimisant le nombre de raccords de tuyaux afin de limiter l’apport d’oxygène dissous. Ne pas hésiter à « recharger » les vins s’il en est besoin tout au long de la période de mise en réserve. Si cela s’avère indispensable, amener le pH autour de 3.0-3.1 maximum à l’aide d’acide tartrique à raison de 100 g/hl maximum. Cela permet d’optimiser la concentration en SO2 moléculaire et d’obtenir ainsi une meilleure stabilité microbiologique. La teneur en SO2 libre souhaitable, à contrôler chaque mois, se situe autour de 15 à 18 mg/l maximum.

Dès la récolte, il est possible d’influencer sur la qualité des vins de base : selon le profil de vin, cibler un degré potentiel entre 10 % et 11,50 %, respecter les règles de pressurage et de fractionnement des jus, vinifier séparément les différentes fractions de jus en projetant de mettre en réserve les vins de cuvée si nécessaire. Les tailles pourront être employées préférentiellement dans les assemblages des vins tirés dans l’année sous conditions qu’elles soient travaillées dès leur pressurage par collages ou par hyper-oxygénation selon leur nature gustative et leur aptitude à fixer l’oxygène.

Mise en réserve des vins de base : un investissement qualitatif

La mise en réserve de vins de base est peut-être aujourd’hui subie, mais cela peut aussi être un investissement qualitatif pour l’avenir à condition de respecter de bonnes pratiques mais aussi de l’inscrire dans une réflexion globale et permanente. C’est en effet une chance de disposer d’un vin de réserve qui vous permettra de gagner en constance tant en volume disponible qu’en qualité gustative pour gommer l’effet millésime, pour augmenter la complexité d’une vendange trop quelconque mais aussi pour signer ou pour personnaliser certaines cuvées.

 

Anne Blain Lebreton, œnologue-conseil libéral, Loire Oeno Conseils,  

Nicolas Secondé, œnologue-conseil libéral, Secondé Oeno’logique,

Membres de LOEIL Consultants, loeil.consultants@gmail.com

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