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19.07.2019

Une situation saine, mais un manque d’eau inquiétant


Millésime

Une situation saine, mais un manque d’eau inquiétant

Si le temps sec est défavorable aux insectes et globalement aux maladies, le stress hydrique commence à inquiéter les vignerons. Les rendements pourraient être davantage pénalisés si la pluie tarde à venir. La deuxième canicule prévue cette semaine impose quelques bons réflexes.

Dans tout le Val-de-Loire, la situation du vignoble est très saine. Les pressions maladies et ravageurs sont particulièrement faibles en raison des fortes chaleurs et de la quasi absence de précipitations depuis la floraison. « De nombreux témoins non-traités de notre réseau n’ont pas de symptômes de mildiou ni d’oïdium, indique Adeline Boulfray Mallet conseillère viticole de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. Nous avons fait démarrer les fongicides tardivement, autour du 20 mai, néanmoins, selon les cas, les interventions auraient pu être décalées d’une semaine. Certains vignerons n’ont fait que deux ou trois traitements et s’en sortent très bien, ce qui permet de faire des économies et de limiter les IFT.» Nicolas Daspres, animateur Terra Vitis Loire confirme une cadence de traitement très légère.

Méfiance sur l’oïdium

Pour Florent Banctel, de la Chambre Régionale d’Agriculture sur le secteur 44, rien n’est encore gagné face au mildiou dans le Muscadet : « Avec la météo incertaine, où des orages et des averses sont prévus, il faut maintenir la vigilance encore 15 jours, même si les stades de grande sensibilité sont dépassés. » De l’oïdium est aussi présent ici et là dans les parcelles à fort historique, surtout sur chardonnay, mais rien de grave. Si quelques tâches de mildiou sont observées sur feuilles en Anjou-Saumur, attention à l’oïdium, prévient Hugues Daubercies, consultant indépendant membre de la nouvelle association LOIL (Loire œnologues indépendants et libéraux) : « Les rare grains oïdiés et le beau temps ne doivent pas faire baisser la garde. Il est important de maintenir la protection jusqu’à la fermeture de la grappe. Quelques grains touchés sont visibles sur gamay et chenin. Il faut continuer d’aller voir ses vignes ! » Même conseil de Pascal Mallier, animateur marchés vigne des Ets Renaud sur les départements d’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher : « Face à l’oïdium, il est important d’appliquer les produits nécessaires sans baisser sa vigilance, et de ne pas apporter du soufre à l’approche d’une canicule sous peine de bruler le feuillage. »

La chaleur aussi défavorable aux insectes

Côté insectes, la pression tordeuse est nulle, remarque Adeline Boulfray-Mallet : les cochylis n’aiment pas la chaleur, et les eudémis semblent cantonnées aux secteurs à plus fort historique (Saint-Nicolas-de Bourgueil notamment). Les cicadelles sont aussi très peu présentes, du fait de la canicule précoce qui a dû jouer négativement sur les pontes. « On observe aussi beaucoup de chrysopes, avec une présence jusqu’à 50% sur les grappes d’après nos comptages, en corrélation avec les pontes de tordeuses, en bio comme en conventionnel, ce qui limite aussi la pression des vers de la grappe », indique la conseillère. Pascal Mallier précise pour sa part : « Contre les insectes, nous avons suggéré à nos clients de traiter préventivement, avant le 10 juillet, même si la canicule à venir devrait sécher les œufs de tordeuses. »

Coulure et millerandage

Cette année, la physiologie de la vigne est particulièrement soumise aux extrêmes. Deux gels printaniers ont touché des exploitations dans le Muscadet, le Layon, ainsi que sur Saint-Nicolas-de-Bourgueil, Bourgueil, Chinon, Montlouis, le Vendômois et la Sarthe. Puis, il y a eu le froid, un coup de chaud début juin, la pluie lors de la floraison suivi d’un fort radoucissement, et enfin la canicule de fin juin. Cette climatologie a fortement gêné le fonctionnement de la plante aux stades sensibles de la floraison et de la nouaison.  Pour les conseillers, les très forts écarts de températures entre la 2e et la 3e semaine de juin marqués par des moyennes journalières passant de 15 à 30 degrés sont principalement responsables de la coulure et du millerandage. Ces phénomènes restent localisés et à l’impact faible sur les rendements en comparaison à ceux du gel. « Ils découlent aussi potentiellement des fortes récoles 2018 qui ont limité la mise en réserve de la vigne, évoque la conseillère de la CA37. Malgré la très belle sortie de grappes, les rendements devraient être plutôt moyens selon les secteurs. ». « Dans le Muscadet, la floraison a eu lieu en deux temps du fait du gel. Sur la première floraison, on observe quelques situations de coulure et de millerandage notamment dues aux températures assez fraîches, au vent voir à l’humidité. », indique Florent Banctel. Avec les gels de début avril et début mai, la vigne a dû puiser dans ses réserves pour réaliser un 2e  voire un 3e débourrement, explique Hugues Daubercies : « La coulure est surtout survenue sur des vignes dont les réserves étaient épuisées. Il est donc important de suivre la fertilité de ces parcelles pour permettre à la vigne de refaire des réservesIl n’y a pas grand-chose à faire avec la coulure. Les phénomènes de compensation devraient en partie combler les manques. ».

Le manque d’eau se fait sentir

Si la situation est très saine, c’est surtout le manque d’eau qui pose question pour faire grossir les grappes et avoir du jus, s’inquiète Nicolas Daspres. « Sans précipitation, nous aurons du mal à faire les rendements, même s’il est encore trop tôt pour faire des prévisions et que la situation n’est pas encore catastrophique. Mais on observe déjà quelques signes de faiblesse sur les jeunes vignes liés au manque d’eau », indique Florent Banctel. Certaines grappes ne vont en effet pas grossir, poursuit Hugues Daubercies. « C’est le cas sur certains chenins, et sur des cabernets plantés sur schiste dans le bas Layon. Certaines vignes ont déjà des feuilles jaunes. Mis à part réguler la présence d’adventices par du travail du sol, même si c’est déjà tard, il y a peu de choses à faire. ». Mais attention à ne pas le réaliser la veille d’un risque caniculaire, ce  qui pourrait détruire des petites radicelles de vigne en surface, indique Adeline Boulfray-Mallet.  Pascal Mallier note pour sa part quatre manières d’agir : limiter ou retarder les effeuillages, modifier les réglages des effeuilleuses pour garder des épaisseurs de feuilles plus importants, appliquer des engrais foliaires au rôle anti-stress (message passé depuis la canicule de fin juin), et pulvériser des produits à base d’argile ou de talc pour abaisser l’échauffement des baies, et donc limiter les pertes de rendements. « Un apport d’argile coûte environ 20 euros/ha. Si l’on ne fait rien, l’échaudage peut entraîner une perte de 3 à 5 hl/ha ! L’argile a aussi des vertus insectifuges qui repoussent les cicadelles. ». L’Ouest de la Touraine n’est pour le moment pas touché par le stress hydrique, des symptômes se font davantage sentir à l’Est.

Des vendanges précoces

Si les deux périodes de gel de printemps rendent difficile l’estimation des rendements pour la vendange 2019 du fait de l’hétérogénéité, les conseillers interrogés prévoient globalement des rendements plus faibles que 2018, mais supérieurs à la moyenne. La maturité devrait aussi se situer entre l’année dernière et une année normale, donnant des vendanges relativement précoces. « Pour les parcelles gelées partiellement, les vendanges, surtout si elles sont faites à la machine, risquent d’être compliquées avec des stades de maturités hétérogènes », termine Florent Banctel.

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