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17.02.2023

L’Inrae à l’assaut des tours antigel pour en mesurer l’efficacité


Protection du vignoble

L’Inrae à l’assaut des tours antigel pour en mesurer l’efficacité

La tour antigel balaie la vigne d’une rafale d’air chaud. Les mesures montrent que les bourgeons sont ainsi soumis à des conditions très fluctuantes, en vitesse et température, marquées par le passage périodique de cette rafale et de la turbulence qu’elle génère. L’échange de chaleur au niveau du bourgeon avec l’air environnant est ainsi plus complexe qu’attendu, d'où une remise en question de notre façon de considérer cet équipement de protection et des pistes pour optimiser son utilisation.

Le gel printanier est dévastateur pour les bourgeons alors en phase de débourrement. Et dans les différents scénarios du réchauffement climatique, ce fléau subsiste en raison d’un débourrement plus précoce des plantes. Pour protéger les bourgeons du gel, les vignerons recourent à différentes méthodes en agissant au niveau du matériel végétal (cépage, clone, porte greffe) et des pratiques culturales ou avec des dispositifs tels que l’aspersion, les tours antigel ou le chauffage. Le projet SICTAG pour « Système Innovant d’aide à la décision Connecté et de gestion efficiente en temps réel des Tours Antigel du Centre-Val de Loire » vise à étudier le fonctionnement du parc de tours antigel de Quincy, en développant des méthodes pour caractériser les tours antigel, cartographier le risque gélif dans un vignoble et automatiser « au mieux » le fonctionnement de l’ensemble d’un parc. Dans ce projet, l’unité Opaale de l’Inrae intervient sur le volet de la cartographie de la variabilité spatiale de la température minimale lors d’épisodes gélifs et sur le volet traitant de la compréhension des mécanismes physiques mis en jeu par la tour antigel pour protéger le bourgeon du gel. Ces recherches portent ainsi sur la mesure et la simulation des écoulements d’air à des échelles de temps et d’espace différentes -- micro-météorologique à l’échelle du terroir et aérauliques à l’échelle de la tour – à la fois par des mesures de terrain et des simulations numériques.

Gel radiatif, tours antigel et projet SICTAG

Une tour antigel est constituée d’un ventilateur en rotation au sommet d’un mât balayant la vigne environnante d’un souffle d’air. Typiquement, le mât mesure environ 10m de hauteur et le ventilateur effectue un tour sur lui-même en 4min30 environ. Les dimensions, la forme, le nombre et la vitesse de rotation des pales sont choisis afin de convertir le couple moteur en poussée aérodynamique tout en minimisant les nuisances sonores (par exemple, 2 pales de 3m d’envergure avec une vitesse de rotation de 590 tour/min entrainées par un couple moteur de 800 Newton x Mètre). La tour antigel est utilisée principalement lors d’épisodes gélifs radiatifs, c'est-à-dire par nuits claires avec un vent faible créant une couche d’inversion thermique dans la partie basse de l'atmosphère. Au niveau du bourgeon, la température de l’air est négative alors qu’au sommet du mât, la température de l’air peut être positive. L’air soufflé par la tour antigel est ainsi plus chaud que celui dans lequel baigne les bourgeons et génère des turbulences, modifiant le transfert thermique entre le bourgeon et l’air qui l’entoure. Si l’inversion thermique est insuffisante, un système de chauffage peut alors être utilisé comme source suppléante de chaleur.

Des questions sur les vrais ressorts de l’efficacité des tours antigel

Dans le projet SICTAG, une des expériences de terrain a consisté à instrumenter une parcelle de vigne protégée par une tour antigel équipée d’un bruleur au pied du mât. Un réseau de 16 stations, composées chacune de deux thermocouples et d’un anémomètre sonique, a été déployé autour de la tour antigel pour mesurer la température de l’air et la vitesse de l’écoulement à hauteur de vigne et à différentes distances de la tour. En complément, un mât de 10m instrumenté a permis de mesurer la force de l’inversion thermique (différence de température entre 10m et 1.5m) et les profils verticaux en températures et vitesses de vent. La figure ci-dessous est issue de la mesure d’une des 16 stations lors d’une nuit de gel radiatif. Elle montre l’évolution de la température à hauteur de vigne à une distance de 40m de la tour antigel. Pour cet essai, la tour antigel a fonctionné en continu de 5h11 à 7h15 du matin et le bruleur a été allumé par 2 fois pendant 30mn. Les périodes où seule la tour a été sollicitée sont identifiables en gris. Les périodes où la tour et le bruleur ont été utilisés simultanément sont visibles en jaune clair. On constate que la température au niveau du bourgeons (courbe verte) est encadrée en bas, par la température de la station météo de référence hors de portée de la tour antigel (courbe rouge) et en haut, par la température à l’extrémité du mât de 10m approchant la température de soufflage de la tour antigel (courbe bleue). Les différents pics de température mesurée au niveau des bourgeons (sur la courbe verte) correspondent au passage périodique de la rafale d’air chaud soufflée par la tour. Après le passage de chaque rafale d’air chaud prélevé au-dessus de la couche d’inversion, la restratification réapparait rapidement, en un temps inférieur à la période de rotation du ventilateur de 4min30, et la température mesurée au niveau du bourgeon rejoint la température mesurée par la station météo de référence. L’effet du chauffage est mesurable sur la température, mais il est difficile à ce stade de l’analyse et du traitement des données de séparer sa contribution au réchauffement de celle de la tour antigel. Après l’arrêt de la tour antigel et du chauffage, à 7h15 du matin, on constate une inertie très faible de la protection, quelques minutes tout au plus.

 

Le gel du bourgeon résulte du transfert thermique avec l’air qui l’entoure. Ce transfert thermique est proportionnel à la différence de température entre le bourgeon et l’air. Le coefficient de proportionnalité de ce transfert thermique dépend de leurs caractéristiques physiques ici fixes. Il dépend également de la nature de l’écoulement qui l’entoure. Lors d’un épisode gélif de type radiatif, l’écoulement est lent, quasi au repos. Avec la tour antigel en fonctionnement, l’écoulement devient agité. Mais plutôt qu’une agitation permanente avec un réchauffement global de la température et donc un transfert thermique maintenant continument hors gel les bourgeons, on mesure une succession périodique de rafales courtes, rapides et chaudes entrainant un transfert thermique intermittent. Cette constatation nous éclaire sur la cinétique de l’écoulement perçue par le bourgeon et pose question sur les véritables ressorts de l’efficacité avérée des tours antigel.

Le Projet SICTAG est en cours et se poursuit en 2023. Afin d’en apprendre davantage sur la tour antigel, une prochaine journée d'échanges sur les résultats intermédiaires sera organisée en mars. La date de cette prochaine journée SICTAG vous sera communiquée dans l'agenda TechniLoire. Vous pourrez également bientôt consulter en ligne les articles de l’Inrae sur ce sujet, rédigés dans le cadre de la thèse de Clara le Cap (soutenance prévue en juin 2023).

Johan Carlier et Clara Le Cap, Unité OPAALE – INRAE Rennes

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