29.04.2021
Intrants viticoles
Protection du vignoble
Différents essais sur des modèles simplifiés (boutures sous serre) montrent une efficacité remarquable des stimulateurs de défenses des plantes (SDP) contre le mildiou ou l’oïdium. Or quand on passe en condition réelle, au vignoble, des pertes drastiques d’efficacité sont observées en particulier au niveau du mildiou. Pourquoi ? Le projet DELIVRA mené par Sophie Trouvelot et Xavier DAIRE, chercheurs à l'UMR Agroécologie de Dijon montre le lien entre la pulvérisation et l’efficacité des SDP.
Rappelons que pour pouvoir être perçu et activer les mécanismes de défense de la plante, un SDP doit pénétrer dans le tissu foliaire et arriver à la surface de la membrane plasmique où se trouvent les récepteurs spécifiques. La majeure partie des SDP utilisés sont hydrophiles or la surface d’un tissu foliaire est protégée par la cuticule et une couche cireuse, substances lipophiles. Les SDP pénètrent donc difficilement dans les tissus, voire sont peu retenus à la surface des tissus. La voie de pénétration via les stomates au niveau de la face inférieure de feuille (sans cire) est pour cela grandement privilégiée par les SDP. La qualité de la pulvérisation s’avère donc cruciale pour l’efficacité d’un SDP. Les chercheurs se sont également interrogés sur la différence de dose appliquée lors des étapes de criblage sous serre et celle réellement retenue sur des feuilles au vignoble : cette différence pourrait-elle expliquer la perte d’efficacité au vignoble ? Le projet DELIVRA a tenté de répondre à cette question en évaluant, à l’aide d’un traceur colorimétrique, la tartrazine, les quantités de produit pulvérisées avec trois types de pulvérisateurs et en les comparant. Les pulvérisateurs utilisés dans ces travaux sont, à la vigne et au laboratoire, le spray manuel et le pulvérisateur électrique à dos avec une buse à fente et au vignoble uniquement, le précijet de Tecnoma avec des buses à limitation de dérive et des buses à turbulence.
La rétention de tartrazine est mesurée par des analyses quantitatives, de surface et d’imagerie au niveau des feuilles issues des boutures en serre et des organes de ceps au vignoble (feuilles et baies). Il est observé que les quantités de tartrazine retenues sur une feuille au vignoble lors d’une pulvérisation avec precijet sont diminuées d’un facteur de 3 à 5 par rapport à la pulvérisation manuelle d’une bouture. Il semblerait qu’il faille donc multiplier par 5 la dose efficace sous serre pour avoir une dose équivalente au vignoble ! Les observations soulignent le possible rôle de la texture de la feuille sur le taux de rétention des produits pour un même outil de pulvérisation, sans doute en lien avec la présence de cires cristallines sur les feuilles du vignoble. En revanche, les niveaux de rétentions avec le précijet sont similaires quel que soit la face des feuilles ou le type de buse. Ce qui indique une très bonne couverture, élément indispensable à l’efficacité du traitement. Enfin, le différentiel passe à un facteur 10 sur les baies : il y a dix fois moins de produit retenu lors d’une pulvérisation avec precijet par rapport à une pulvérisation manuelle au spray en laboratoire.
En fonction du stade phénologique, les chercheurs ont constaté une diminution de la rétention de produit à la surface de l’organe : de 30 % de tartrazine retenue par la feuille au stade floraison, à 25% au stade petit poids et 16% au stade véraison. Ceci s’explique par la synthèse progressive des cires à la superficie des organes au cours de l’évolution des stades phénologiques au vignoble. Le constat est identique sur la baie. Au stade début véraison, la présence de résidus d’un traitement phytosanitaire antérieur, notamment de soufre, a aussi diminué la rétention de SDP. Cette notion de résidus est donc un point de vigilance à avoir lors de l’utilisation de SDP.