06.09.2019
Hygiène / Microbiologie du vin
Les premières descriptions du goût de souris datent de la fin du XIX siècle. Cette altération d’origine microbienne est observée sur les vins blancs, rosés, rouges, tranquilles ou effervescents depuis longtemps mais une recrudescence de ce défaut est constatée depuis deux ans. Cette augmentation est à mettre en lien avec la diminution des doses de SO2, la hausse du pH des vins voire le recours aux flores indigènes. Patricia Ballestra de l’ISVV de Bordeaux a fait le point lors de la matinée technique de l’IOC en juin dernier à Chinon et du colloque régional de la Chambre d’agriculture du Loir-et-Cher en juillet.
Urine de souris, pop-corn, riz soufflé, peau de saucisson, serpillère, vomi,…. Sont autant de descripteurs utilisés pour caractériser le goût de souris. Peut-on alors parler des goûts de souris ? La diversité des descripteurs vient du fait que plusieurs molécules sont impliquées dans la formation de cette déviation. A ce jour, trois molécules N-hétéocycles ont été identifiées : la 2-ethyltetrahydropyridine (ETHP), la 2-acetyltetrahydropyridine (ATHP) et la 2-acetyl-1-pyrroline (APY). En cas de goût de souris, au moins 2 de ces 3 molécules sont présentes.
L’impact de la concentration à laquelle ces molécules sont présentes, l’effet matrice du vin mais surtout la différence de seuil de perception des individus jouent également sur les différences ressenties. Par exemple, le seuil de perception de l’APY, peut varier d’un facteur 100 d’un individu à l’autre.
L’ETHP, l’ATHP et l’APY ne sont pas suffisamment volatiles au pH du vin pour être perçues en olfaction car elles sont sous forme aminée. En revanche une fois le vin mélangé à la salive, dont le pH entre 5,76 et 7,96 favorise la forme iminée des molécules, le goût de souris est percevable et même persistant en retro-olfaction. La différence de perception est donc fonction du pH buccale qui varie selon chaque individu voire, pour chacun, selon le moment de la journée et l’état physiologique. Cette différence est à l’origine du manque de consensus entre les dégustateurs permettant d’identifier et d’évaluer l’intensité du goût de souris. Pour s’affranchir de ce frein, des préconisations ont été testées par l’ISVV, l’IFV et Inter-Rhône sur vin rouge. Il en résulte que l’alcanisation du vin en augmentant son pH à environ 5 à l’aide de 5g/l de bicarbonate de soude permet la détection et la discrimination du goût de souris par voie olfactive. Reste à tester cette méthode sur vin blanc et rosé.
Nous savons que le goût de souris est d’origine microbienne : la levure brettanomyces et les bactéries lactiques lactobacillus, Oenococcus et Pediococcus peuvent produire de l’ATHP, de l’ETHP, et de l’APY. En revanche, la voie de formation de ces molécules n’est, à ce jour, qu’hypothétique. Il est constaté le rôle de l’acétaldéhyde, de l’éthanol et de certains ions dans la formation de l’ATHP et l’APY alors que L’ETHP serait issue de la réduction de l’ATHP. Deux acides aminés présents naturellement dans le vin sembleraient être des précurseurs de l’ATHP et de l’APY: le L-lyzine et le L-ornithine. Mais la présence de ces derniers dans le vin pose la question suivante : pourquoi certains vins ont un goût de souris et pas d’autres ? Est-ce lié au métabolisme microbien ? A la concentration en tanins, en précurseurs ou en acétaldéhyde en donc en SO2 ? Autant d’hypothèses qui seront travaillées dans une thèse qui démarrera à la rentrée universitaire à l’ISVV et dont l’objectif sera de vérifier si d’autres molécules sont impliquées dans cette altération et de proposer des outils de diagnostic pour mesurer le risque d’apparition du goût de souris. A ce jour, les chercheurs ont mis en avant une corrélation entre la teneur en APY et l’intensité du goût de souris. Ainsi l’APY apparait comme un contributeur majeur et un bon marqueur de l’altération.
Il existe un certains nombres de méthodes de dosage mais aucune n’est à ce jour officiellement validée. Certains laboratoires proposent un dosage par chromatographie en phase gazeuse associée à la spectrométrie de masse mais la méthode est longue (environ 5 jours) et coûteuse d’autant qu’elle ne permet pas le dosage simultanée des trois molécules. De nouvelles méthodes sont en cours de développement et utilise la chromatographie liquides (LC) : LC/Fluo (ISVV Bordeaux) ou LC-ES-MSMS (Laboratoire Excell). Ces méthodes permettent de s’affranchir des problèmes liés à la volatilité des composés, n’impliquant pas de modification du pH du vin avant analyse. La préparation de l’échantillon est donc plus rapide.
Pour en savoir plus :
https://techniloire.com/actualite/le-gout-de-souris-une-deviation-aromatique-encore-meconnue