16.12.2021
Itinéraires œnologiques
Qui s’est interrogé sur la qualité et le bon déroulé du remuage ? Avec l’apparition des gyropalettes, l’étape du remuage après la prise de mousse ne questionne plus…. A l’occasion de sa matinée technique, Sofralab, groupe spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de produits œnologiques, a pris le temps de revenir sur les clés d’un remuage réussi.
C’est en 1973 qu’apparait le premier gyropalette permettant de remuer 504 bouteilles à la fois. Il faudra attendre 6 ans avant que la première maison de Champagne s’équipe de cette machine. Depuis, le gyropalette s’est imposé comme un outil clef dans la chaîne d’élaboration des vins effervescents. « Avec l’automatisation de l’étape du remuage, l’opérateur ne touche plus la bouteille, il ne s’occupe plus du vin, n’observe plus ce qu’il se passe », remarque Nicolas François Œnologue conseil responsable de la région Alsace chez Sofralab. Et d’ajouter, « un programme de remuage se réfléchit selon l’observation du dépôt et la forme de la bouteille. Aujourd’hui, on programme le gyropalette à l’arrivée de la machine et on ne change rien. Pourtant selon les caractéristiques physicochimiques du vin, la forme de la bouteille etc…. le dépôt est différent et se comporte différemment ce qui nécessite une adaptation du programme de remuage ». Un outil d’aide à la décision, le Remulab, permet de régler les différents paramètres du fonctionnement d’un gyropalette puis de voir ce qui se passe dans la bouteille mouvement après mouvement et de décider d’un programme. L’œnologue voit par ailleurs bon nombre de défis auxquels l’opérateur doit faire face pour assurer la performance de son remuage : « le temps sur lattes est toujours plus court, or le temps joue un rôle positif sur la géométrie du dépôt. L’évolution climatique fait que les teneurs en calcium des vins augmentent tout comme le pH. Or le calcium est un facteur aggravant de l’adhérence des levures sur le verre…. Et ne parlons pas du développement des bouteilles blanches pour des besoins marketing, rendant plus forte l’exigence d’un remuage exemplaire pour faciliter l’élimination du dépôt », remarque Nicolas François.
Pour obtenir un vin limpide, le dépôt formé dans le col de la bouteille doit être cohérent, remuable et compact. Plusieurs facteurs influencent cette cohérence. L’homogénéité de la taille des particules garantie la cohésion, c’est pourquoi la présence de bactéries, via la fermentation malolactique, interfère sur la cohésion du dépôt. Dans le même sens, la présence de colloïdes indésirables gène le remuage puisqu’elle diminue la cohérence du dépôt en plus d’entrainer, par exemple, des casses protéiques ou tartriques. « Lors de vinification avec des variétés résistantes, nous avons observé une instabilité protéique plus importante laissant présager des difficultés de remuage », relate Christophe Morge directeur scientifique chez Sofralab. La masse des molécules, la consistance (liquide ou visqueuse) et la chimie du milieu ainsi que la géométrie du dépôt dans la bouteille interfèrent également sur la cohérence du dépôt. Si la masse du dépôt est très petite, la sédimentation sera longue et difficile d’où l’utilisation d’adjuvant. La quantité d’adjuvant à employer est liée à la population de levures : plus il y a de levures, plus il faudra d’adjuvant.
« Avec une demande accrue de produits bio, il faut s’attendre à davantage de difficultés lors de l’étape de remuage », prévient Christian Morgue. Les vins produits avec moins d’intrants, moins d’interventions lui semblent moins en adéquation avec l’étape de remuage. « Produire des effervescents bio nécessitent à mon avis de faire un état des lieu plus conséquent avec un spectre d’analyses plus large (détection de pectine/glucane, teneur en calcium, détection des protéines instables, spectre de la flore indigène,…) et des tests de remuage de quelques bouteilles pour définir un programme adapté à la matrice. Un vin qui se remue bien est un vin bien préparé ! », conclut-il.