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31.03.2022

Une campagne de gel, ça se prépare !


Climatologie

Matériels / Équipements

Une campagne de gel, ça se prépare !

Vérification des stocks de carburant, du fonctionnement des équipements antigel, ou de la fiabilité des stations météo. Autant d’éléments à préparer en amont d’une vague de gelée printanière, pour éviter au maximum les déconvenues le jour venu… Le point avec deux présidents de Cuma antigel : François Jamet à Saint-Nicolas de Bourgueil, et Olivier Bellanger à Monthou-sur-Cher.

« Une campagne de gel, comme une campagne de vendange, ça se prépare en amont ! Avec des vérifications à faire plusieurs mois en avance comme le fonctionnement des moteurs et les stocks de carburant, d’autres, quelques semaines avant la période de gel notamment le bon fonctionnement des pompes pour l’aspersion, et enfin des derniers contrôles la veille, comme vérifier les sondes et stations météo…et les piles de sa lampe ! », indique François Jamet, vigneron à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, et président de la Cuma des Tours à vent, qui compte une 50e de tours sur la commune. Président de la Cuma Protec’gel dans le Loir-et-Cher (64 tours antigel), Olivier Bellanger vigneron au domaine de la Piffaudière à Monthou-sur-Cher, s’assure que toutes les installations seront en état de fonctionner en prévision du gel annoncé pour le 2, 3 et 4 avril. Pour lui, la seule vraie consigne à suivre, « c’est être sur place lors des nuits de gel, et suivre à chaque instant la situation pour décider quoi faire. » Sur la Cuma, l’entretien des tours est réalisé par la société Filextra, qui a installé la dernière tour début février, prête à fonctionner pour ce weekend.

Multiplier les données de température

Sur la Cuma de Saint-Nicolas, l’entretien des tours est délégué à l’entreprise Maïsa (Saumur). Après 9 premières tours installées en 2002-2003, puis quelques-unes en 2016/17, les 36 tours montées en 2019/20 comportent leurs propres sondes de température associées à un système de déclenchement automatique. Les vignerons de Saint-Nicolas ont aussi investi récemment dans des stations météo, pour un contrôle renforcé des températures. Par expérience, le vigneron du Loir-et-Cher conseille d’enlever systématiquement 3°C aux annonces faites par la météo. « L’an dernier, il y a même eu un écart de 5°C ! Si la météo annonce 2-3°C, nous sommes dans une situation à risque ! ». Derrière chaque donnée de température, il est important de suivre les différences entre la mesure sèche ou humide, poursuit le vigneron. « Les températures annoncées sont toujours données sèches, d’où l’importance de mesurer l’écart entre température sèche et humide, et le besoin éventuel d’allumer des systèmes de chauffage en complément. En plus des sondes qui équipent nos tours antigel, nous avons installé cette année des stations météo avec des alertes reliées aux téléphones, pour ne prendre aucun risque de mauvaise remontée de température. ».

Engagements de prix plus ou moins tenus

Avec l’ensemble du parc de tour Protec’gel fonctionnant au gaz, Olivier Bellanger déplore cette année des « engagements de prix non détenus » de la part de son fournisseur. « Il y aura les volumes, pas d’inquiétude sur ce point, avec 70 t de gaz rentrées par la Cuma. Mais les tarifs ont augmenté de 50% par rapport à l’an dernier, alors que nous avions acté une hausse moins élevée il y a encore quelques mois… ». Avec des tours fonctionnant au fioul, la Cuma de Saint-Nicolas a mis en place un système de gestion du carburant efficace, détaille son président : « Chaque vigneron en charge d’une tour est équipé d’une cuve de 1 000 l, permettant de recharger le réservoir de 450 l intégré au carter de la tour, et ainsi sécurisé par une alarme pour éviter tout risque de vol. Après chaque nuit de fonctionnement, chaque vigneron fait le plein de la tour, puis remplit ensuite sa cuve de 1 000 l sur l’un des deux points de livraison sur la commune, assuré par notre fournisseur à 7h du matin. Même avec des démarrages dès 23 h comme l’an dernier, le stock était suffisant pour faire tourner les tours toute une nuit ! » Un accord a été défini entre la Cuma et son fournisseur de fioul, pour fixer à l’avance le niveau de prix établi selon les cotations quotidienne, poursuit François Jamet. A l’avenir, la Cuma réfléchit également à un approvisionnement en biocarburant pour les bruleurs. « Si des axes d’amélioration sont possibles, c’est sur l’optimisation du démarrage, de l’utilisation des bruleurs et des points de chauffage en périphérie des tours », indique-t-il.

Chauffer en innovant

Avec des températures sous -1°C en température sèche, Olivier Bellanger recommande d’allumer des systèmes de chauffages complémentaires. « Il ne faut pas hésiter à lancer des sources de chaleur, surtout face aux gelées noires qui semblent annoncées pour les nuits de vendredi et samedi. Ici, les vignerons disposent parfois six bougies de 80 l à 30 m de la tour, et certains vont jusqu’à 20 bougies. D’autres brulent des piquets dans de vieux fûts de 200 l disposés également autour de la tour, percés de deux ouvertures au bas en prise d’air pour la bonne combustion. Mais avec des tours en fonctionnement, il convient de recharger régulièrement. L’an dernier, j’ai ainsi passé 3 stères de bois sur une nuit de gel ! Les chaufferettes se développent, mais représentent encore un très gros investissement », reconnait le vigneron de Monthou-sur-Cher. En complément des tours, un nouveau système de chauffage va être testé cette année par François Jamet : une ancienne cuve à fioul de 1500 l, modifiée avec une porte latérale, équipée d’une grille de palox à mi-hauteur, afin d’allumer un feu sur le dessous pour chauffer un lit de silex (150 kg) sur le dessus qui emmagasine des calories, et située à 80-100m d’une tour, côté nord de la parcelle. « Le but est d’avoir une source de chaleur qui dure dans le temps, afin de diffuser plus longuement du chaud au pied des tours, et réchauffer ainsi l’air toute une nuit si besoin », espère le vigneron, qui a arrêté les bougies depuis 2016, « trop chronophages ». En complément des tours, François Jamet est également équipé d’un système d’aspersion en propre, pour protéger 10 ha de vignes. « Notre chef de culture Nicolas, qui a travaillé en maraîchage, a installé avec nous cet équipement en 2017, et en assure le bon fonctionnement. Nous avons 6km de canalisations enfouies, dont 1km entre l’étang et la vigne, tout est hors-gel. Nous testons 2 à 3 semaines avant le risque de gel de fin mars le fonctionnement de l’aspersion, pour éviter d’apporter de l’eau qui augmenterait le risque de gel début avril ! »

Éviter la grogne

Enfin, avec le lancement de la lutte antigel, la grogne de certains riverains est prévisible. « Nous avions organisé il y a deux ans une réunion d’information à Thésée, mais peu de monde s’était déplacé au-delà des vignerons, se rappelle le vigneron de Monthou-sur-Cher. Il serait surement possible de mieux communiquer, mais c’est encore du temps et de l’énergie. Si les gens nous appellent, nous expliquerons pourquoi nous faisons ainsi. Mais souvent, c’est la mairie qui reçoit les critiques. Espérons que les pouvoirs publics nous soutiennent encore sur ce sujet. ». Situés dans une commune encore très vigneronne, les tours de Saint-Nicolas ne suscitent pour l’heure pas de critiques, se rassure François Jamet. « Les gens sont habitués. Nous avions distribué il y a quelques années une information dans les boites aux lettres, et nous communiquons encore dans le journal communal. Sans oublier une petite info passée sur le panneau lumineux d’information dans le bourg en cas de gel. Et tout se passe bien ! » . Un film sur le sujet « Les promesses de l'aube », réalisé sur le Bourgueillois en 2021 par des étudiants docteurs en géographie va d’ailleurs être projeté vendredi 1er avril, au cinéma de Bourgueil et pourra être diffusé dans d'autres appellation afin de vulgariser la lutte antigel auprès du grand public, termine le vigneron de Saint-Nicolas. 

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