29.03.2022
Climatologie
2021 reste un millésime très marqué par les épisodes du gel, les plus dévastateurs depuis 1991. Il y a un certain espoir que le millésime 2022 soit plus productif permettant d’équilibre les volumes de vins manquants après la sécheresse en 2020 et le gel et le mildiou en 2021.
Cependant, après un temps ensoleillé, chaud et sec, Météo France annonce que la température va considérablement chuter en fin de semaine, avec de potentielles gelées. Deux scénarios se dessinent (Zaka, 2022 [1]) : i) Un scénario optimiste avec moins de pertes dues à un froid plus maritime, et ii) Un scénario pessimiste avec plus de pertes dues à un froid polaire plus sec. Le niveau de risque dépendra de la température négative atteinte et du taux d’humidité. La température du point de rosée dépend du taux d'humidité de l'air. Elle sera égale à la température sèche si le taux d'humidité est égal à 100% sinon elle est toujours inférieure à la température sèche et descend plus rapidement dans le négatif que la température sèche. Le scénario pessimiste fait ainsi référence à cette température humide, qui chutera plus rapidement en fonction de la couverture nuageuse.
La sensibilité de la vigne au gel dépendra de sa capacité à résister aux forts refroidissements ; le seuil de gélivité des bourgeons passe en générale de -8°C en pré-débourrement à -2°C au stade de débourrement. L’effet cumulatif de la température est une variable explicative du développement phénologique de la vigne. Basé sur le principe des degrés-jours (DJ), l’apparition et la durée des stades de croissance de la vigne sont conditionnées par des sommes de températures. A chaque cépage est aussi associé une quantité de chaleur nécessaire pour qu’il puisse passer d'un stade à un autre. Les sommes de températures cumulées depuis le 1 janvier est indiqué dans la Tableau 1 pour quatre stations météorologiques situées en Val de Loire (Montreuil-Bellay, 49), en Aquitaine (Villenave d’Ornon, 33), en Vallée de Rhône (Avignon, 84) et en Champagne (Fagnières, 51). Hormis Avignon, les stations montrent que le cumul de chaleur en 2022 est assez similaire à celui de 2021, voire supérieure comme en Val de Loire. La majorité des cépages précoces (e.g. Gamay, Pinot noir, Melon) ont un débourrement situé à 40 DJ cumulé depuis 1 janvier.
Tableau 1 : Basé sur la température de l’air, l’accumulation de chaleur (DJ) de 1 janvier au 28 mars (Température de base = 10°C).
Stations |
2011-2020 |
2021 |
2022 |
Montreuil-Bellay (49) |
32 DJ |
34 DJ |
44 DJ |
Villenave d'Ornon (33) |
67 DJ |
86 DJ |
84 DJ |
Avignon (84) |
69 DJ |
72 JD |
56 DJ |
Fagnières (51) |
12 DJ |
16 DJ |
17 DJ |
Source des données : CLIMATIK, base agrométéorologique de l'INRAE (Unité Agroclim) |
D’ailleurs, cette précocité du débourrement est fortement associée au pédoclimat thermique au niveau des pics racinaires. Le Tableau 2 illustre le cumul de chaleur mesuré à 50cm de profondeur. Les résultats sont proches de la situation en 2021 avec Val de Loire et Champagne présentant des valeurs supérieures. En dehors de la position topographique des parcelles, la nature du sol (texture et profondeur) est un élément important à considérer pour anticiper le risque du gel.
Tableau 2 : Basé sur la température du sol à 50cm de profondeur, l’accumulation de chaleur (DJ) de 1 janvier au 28 mars (Température de base = 10°C).
Stations |
2011-2020 |
2021 |
2022 |
Montreuil-Bellay (49) |
66 DJ |
73 DJ |
83 DJ |
Villenave d'Ornon (33) |
88 DJ |
105 DJ |
102 DJ |
Avignon (84) |
109 DJ |
118 JD |
101 DJ |
Fagnières (51) |
23 DJ |
26 DJ |
40 DJ |
Source des données : CLIMATIK, base agrométéorologique de l'INRAE (Unité Agroclim) |
Ces dernières années, les épisodes gélifs se sont succédés et ont engendré d’importants dégâts pour la profession viticole. Ceux-ci sont liés d’une part, à des situations atmosphériques engendrant de fortes baisses de températures nocturnes et d’autre part, à une reprise d’activité de la vigne de plus en plus précoce rendant la plante beaucoup plus sensible aux températures négatives. Dans le contexte du changement climatique, il est évident que le risque gélif s’accentuera notamment pour les cépages précoces.
Etienne Neethling [2], Hervé Quénol et Valérie Bonnardot
[1] Serge Zaka (2022) https://www.reussir.fr/retour-du-gel-davril-en-2022-va-t-revivre-le-cauchemar-davril-2021
[2] e.neethling@groupe-esa.com