06.11.2017
Environnement
Les conflits entre vignerons et riverains font régulièrement la une des journaux sans pour autant que soient relayées les solutions mises en place pour permettre la cohabitation au sein des vignobles. Le Vinopôle Centre-Val de Loire a proposé, le 24 octobre dernier, une journée d’échange, de discussion, d’information à destination des riverains, des élus et des vignerons pour anticiper une cohabitation qui sera courante à l’avenir.
La France de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe siècle est celle de l’« agricolisation » de nombreuses campagnes françaises. L’espace rural devient peu à peu agricole et ce phénomène en donne les clés aux agriculteurs : sa gestion est indirectement confiée au monde agricole qui s’en sent maître. « Mais, à partir des années 1960, de nouvelles dynamiques apparaissent dans l’espace rural, qui devient une denrée rare, disputée entre différents groupes de consommateurs», explique Raphaël Schirmer, géographe de l’université de Bordeaux. Dès lors des conflits apparaissent entre les différentes formes possibles de son utilisation : la péri-urbanisation, les activités ludiques (VTT, randos,…), le désir de nature, le développement des circuits courts, la demande importante de patrimonialisation culturelle naturelle.
Les territoires viticoles sont aujourd’hui des lieux où des personnes habitent, se baladent. C’est un territoire de patrimonialisation mais aussi un lieu de travail. Les riverains se battent pour leur qualité de vie, les vignerons pour continuer à travailler et les pouvoirs publics cherchent à donner un cadre juridique à cette cohabitation. Olivier Martin, vigneron dans le Nantais, souligne que « notre espace de travail est devenu un espace de partage avec des gens qui ne connaissent pas le monde agricole. Notre challenge est d’expliquer notre travail, le pourquoi et le comment de ce que nous faisons. C’est la clé de la cohabitation ! ». Didier Avenet, vigneron et ancien maire de St-Martin-le-Beau, confirme que les vignerons doivent avoir un rôle important de communication : « Il faut être pionnier, imaginaire pour trouver la bonne osmose et faire le pas pour expliquer ». Tout est question de compréhension et de respect des uns et des autres.
Force est de constater que les conflits actuels sont essentiellement liés aux pratiques et notamment à l’utilisation des phytosanitaires. Depuis une dizaine d’années, la filière dans son ensemble montre une réelle dynamique de changement, une volonté d’aller vers le mieux. « La vigne a besoin d’une protection c’est indispensable mais chacun a sa capacité d’adaptation technique, économique. Il faut dans tous les cas être profondément convaincu que les pratiques doivent être respectueuses de l’environnement. En ce qui me concerne je ne suis pas en agriculture biologique et je m’engage dans le respect environnemental via la certification HVE », témoigne Marielle Henrion du Château de l’Aulée à Azay-le-Rideau. Quelle que soit la démarche, le label ou la certification choisie, le vigneron doit la mettre en avant, l’expliquer avec les contraintes qu’elle peut engendrer pour lui et son voisinage. Hervé Denis, Président de la Cave de Montlouis précise à juste titre, qu’au niveau des techniques, les choses évoluent aussi en faveur d’une meilleure maîtrise d’utilisation des phytosanitaires et de citer en exemple, la pulvérisation confinée. On peut ajouter les outils permettant l’adaptation des doses de produits comme optidose, le désherbage mécanique,……
Via le réseau Dephy, les chambres d’agriculture accompagnent les vignerons pour améliorer et réduire l’utilisation des phytosanitaires. « Au niveau de la Chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, nous accompagnons aussi les ODG, comme à Bourgueil, sur la rédaction de charte de bonne entente », commente Adeline Boulfray-Mallet, conseillère de la Chambre d’agriculture 37. D’autres démarches, comme celles de la Chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, visent à mettre à disposition des vignerons et des collectivités des supports (film, plaquettes) pour faciliter le dialogue local, à animer des conciliations dans les communes, à établir et acter un contrat territorial du vignoble de Nantes avec l’Agence de l’eau,…. Pour améliorer la cohabitation, d’autres pistes seraient de « définir des endroits communs et les valoriser, d’ouvrir l’espace de communication et d’interconnaissances », suggère Gilles Armani, anthropologue consultant.