30.10.2017
Intrants viticoles
Maladies de la vigne
Le soufre de la vigne au vin : atouts et limites. Voilà le thème de la conférence des œnologues, organisées dans le cadre du Viteff, le 20 octobre dernier à Epernay. Un produit aux multiples atouts, qui a le vent en poupe.
Chaque année, 70 millions de tonnes de soufre sont produites, dont 65 % pour la fabrication d’engrais, 25 % pour l’industrie d’extraction des métaux et 10 % pour les autres usages dont la viticulture et l’œnologie, a rappelé Marco Manfredini, responsable développement œnologie du groupe Esseco, lors de la conférence des œnologues au Viteff. Si l’emploi de soufre devrait progresser dans les années à venir, aucune pénurie n’est prévue. Actuellement, 98 % de la production mondiale de soufre provient du pétrole ou du gaz, et 2 % des mines. Les propriétés physicochimiques sont similaires mais les retours du marché indiquent que le soufre de mine est moins irritant et plus actif contre l’oïdium, évoque Marco Manfredini. Une 3e source existe : le soufre volcanique (île de Java), mais ce produit très pur est extrait dans des conditions peu éthiques… En poudrage ou mouillable pour la vigne, le soufre est un produit multi-sites qui limite l’apparition des formes résistantes d’oïdium. Il a une triple action : préventive, sur la germination des conidies, curative sur les filaments et suçoirs, et éradiquante via le dessèchement des conidies, et la fragmentation et la désagrégation du mycélium, a rappelé Laurent Oudin, chef de marché vigne chez UPL France. « En France, 10 000 à 12 000 tonnes de soufre mouillable sont utilisées chaque année, et 4 000 à 6 000 t en poudrage. Le nombre d’intervention anti-oïdium en France est de 6,5 à 7,5 dont 2,4 à 3 en soufre mouillable soient 6,7 kg ».
Substance minérale présumée à faible risque, le soufre a vu son inscription au niveau européen renouvelée pour 10 ans depuis 2009, et prolongée en mars 2017 jusqu’au 1er janvier 2021. « Le soufre est une substance plutôt simple, abondant, sans LMR et utilisable dans tous les modes de production, ce qui laisse à penser qu’il a un bel avenir, contrairement au cuivre », estime Laurent Oudin. Depuis 2004, l’ensemble du vignoble champenois a vu la pression oïdium augmenter. Dans ce vignoble, la tolérance zéro vis-à-vis de cette maladie, la sensibilité du cépage chardonnay ainsi qu’un sous-dosage de la protection fongicide en vigne étroite a entrainé une augmentation des fongicides, a rappelé Marie-Laure Panon, chef de projet au CIVC. En 2013, l’érosion d’efficacité des traitements a été démontrée pour la moitié des modes d’action : 5 des 9 familles utilisées ont montré des résistances. Sur les 93 spécialités autorisées en Champagne contre oïdium, il n’en reste que 59 après exclusion des produits CMR, 46 pour celles respectant le délai de rentrée de 48 h, et 22 si l’on ne garde que les produits efficaces. Sur ces 22, 16 sont exclusivement à base de soufre mouillable ! « Le soufre est donc à étudier de prêt et à utiliser dans les meilleures conditions », souligne Marie-Laure Panon.
Le soufre n’est cependant pas sans inconvénients. Irritant et avec une forte odeur, il peut entrainer des brulures et des éclatements de baies en cas de forte chaleur, d’où l’intérêt de limiter les doses par temps chaud pour limiter ce phénomène, conseille Marie-Laure Panon. Attention aussi à sa sédimentation au fond des cuves du pulvé et au colmatage/bouchage des filtres et buses : éviter les cuves anguleuses, et bien rincer son matériel de pulvérisation après traitement, conseille-t-elle. Inscrit sur la liste biocontrôle, le soufre ne rentre pas en compte dans le calcul de l’IFT, et participe à réduire l’emploi de produits de synthèse comme prévu par EcoPhyto et le dispositif des CEPP. « Nous avons pu quantifier une augmentation de l’emploi de soufre chez nos clients de zones touchées par l’oïdium, en non bio : entre 2012 et 2015, l’IFT produits conventionnels a reculé de 42 % alors que l’"IFT" soufre a progressé de 33 %, explique Vincent Faihy, directeur Technique VITI-CONCEP. La quantité totale de soufre est passée de 32 à 39 kg, avec un poudrage resté à 17 kg mais une progression de 50 % des produits hors poudrage ! » Des essais ont été menés sur les réductions de doses, montrant une perte d’efficacité de 10 à 20 % pour 50 à 60 % d’une dose pleine.
Plein d’atouts, le soufre n’est cependant pas le produit miracle contre l’oïdium ont souligné les deux derniers intervenants : « Il faut privilégier une action préventive de qualité, et pourquoi pas renforcer la solution sans intrants comme l’effeuillage précoce. Le tiers à la moitié du soufre poudrage pourrait être remplacé ainsi. Sans oublier les mesures d’analyses de risques avant de traiter, et la bonne qualité de pulvérisation de son pulvé pour traiter moins et mieux. »