08.06.2015
Itinéraires viticoles
Environnement
Près de 300 participants ont assisté à la journée professionnelle du GiESCO le 4 juin dernier. La thématique de ce rendez-vous international a été la viticulture durable. Les intervenants ont tous souligné l’importance de considérer la durabilité sous 4 angles : Environnement, Rentabilité, Social et Paysage. Et d’ajouter que les défis de cette viticulture sont bien actuels et non futuristes.
« Des années 60 à il y a une dizaine d’années, les vignes étaient en bonne santé, on plantait des vignes en bonne santé. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et il faudra considérer la durabilité avec le problème des maladies du bois qui est un fléau bien plus grave que ne l’a été le phylloxera », avertit Richard Smart consultant australien. C’est pourquoi la sélection du matériel végétal apparait pour les suisses comme une clé essentielle de la viticulture durable, moteur de leurs recherches depuis plus de quarante ans. La mise en œuvre de nouvelles variétés permet de répondre à cette problématique mais aussi aux défis de la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires et du réchauffement climatique.
60 % de la surface viticole suisse n’utilise pas d’insecticide. Le challenge reste la gestion des fongicides et les espoirs sont concentrés sur l’amélioration variétale. Les travaux de sélection et de création ont été axés sur la résistance au Botrytis. Ainsi les travaux de sélection ont conduit à l’homologation de 40 clones pour 26 cépages comme la petite arvine. La mise en œuvre de métis Vitis Vinifera a abouti à la création de 8 cépages. Certains d’entre eux sont caractérisés par une résistance remarquable au Botrytis tel que le gamaret devenu le 4eme cépage rouge dans le vignoble suisse. En 1996, un programme de création variétale a été orienté vers l’obtention de cépages résistants au mildiou et à l’oïdium par hybridation. De ce programme est né, Devico issu du croisement entre le gamaret et bronner. Il est également fortement résistant au Botrytis. Ces travaux ont permis d’observer que les cépages les plus résistants au mildiou sont capables de produire les dérivés oxydés (viniférine) et méthilés (ptérostilbène) les plus toxiques contre le pathogène fongique. Concernant la résistance à l’oïdium, la composition chimique des cires recouvrant la surface des organes verts semble intervenir dans le niveau de résistance. Selon le site et la pression maladie, Devico permettrait de ne réaliser que 1 à 3 traitements fongicides par an pour une protection efficace.
En 1990, le CIVC a lancé un programme de recherche visant à évaluer l’impact des pratiques viticoles sur la biodiversité du sol et à conseiller des pratiques durables aux viticulteurs. « VITI 2000 » s’est déroulé de 1990 à 2010 et a eu pour effet une évolution significative des pratiques dans le vignoble champenois au niveau de la maîtrise de la pollution et de la préservation de la biodiversité. L’une des démarches de ce programme a ainsi été d’ alerter les professionnels de l’altération de la biodiversité lombricienne. En effet les lombriciens sont reconnus comme de très bons bio-indicateurs de réponse aux perturbations humaines. Ils rendent compte de l’état et des usages de l’écosystème du sol. Les pratiques défavorables aux communautés lombriciennes ont alors été identifiées et des pratiques plus respectueuses ont été conseillées : recours à la dévitalisation des pieds au lieu de la désinfection des sols avant la plantation, diminution de l’application d’insecticides au profit de la confusion sexuelle, des typhlodromes, développement du broyage ou compostage des sarments,…. Reste la question de l’utilisation du cuivre ayant un impact très négatif sur l’activité lombricienne mais qui à ce jour ne trouve pas d’alternative efficace. Globalement, l’abondance lombricienne a augmenté de 21 à 67 individus/m² avec une grande hétérogénéité selon les sites d’observation. Le nombre d’espèces identifiées est quant à lui passé de 13 à 16 espèces. Les résultats obtenus au cours de ces années d’observation constituent un inventaire de référence inégalé en France et à disposition des professionnels.
« Un système de production est durable s’il est rentable, s’il répond aux attentes de sécurité alimentaire, et s’appuie sur la gestion maitrisée des ressources en eau et l’économie d’énergie », remarque Victor O. Sadras, de l’institut de R&D d’Australie du Sud. Dans un contexte de réchauffement climatique, il importe de comprendre les effets de la température sur le raisin et le vin. Elle influe le phénotype du raisin et du vin mais il faut distinguer les effets liés à une augmentation ponctuelle de la température (stress hydrique) et ceux liés à une augmentation durable (réchauffement climatique). Durant 6 ans, L’équipe de recherche ont comparé des vignes témoins exposées à une température ambiante à des vignes exposées à des températures surelevées (+2°C) dans la vallée de Barrossa en Australie. Dans le cadre de leur étude réalisée sur syrah et cabernet franc, l’élévation de la température n’a pas eu d’effet sur le rendement et à moins touché la date de maturité qu’initialement prévu. Elle a découplé les sucres des anthocyanes et pour une même teneur en sucre, la concentration en anthocyanes a été moindre dans les modalités « températures surélevées ». L’élévation de température a également dissocié les caractères sensoriels du raisin. « L‘innovation dans les pratiques viticoles comme œnologique sera indispensable pour préserver l’identité de ces cépages dans une viticulture durable dans la vallée de Barrossa », conclut Victor O. Sadras