21.06.2022
Matériel végétal
Itinéraires viticoles
Climatologie
Une contrainte hydrique peut modifier profondément le fonctionnement physiologique de la vigne : arrêt de croissance des rameaux, diminution de la taille des baies, diminution de la production de sucres par la photosynthèse, modification du métabolisme des baies... Dans des situations de contrainte hydrique sévère, il peut y avoir une chute prématurée des feuilles. Quels leviers peut-on activer pour limiter les risques ?
L'époque d'apparition d’une contrainte hydrique, sa durée et son intensité sont à prendre en considération dans les impacts sur la plante. Par exemple, un manque d'eau entre la floraison et la nouaison réduit le taux de nouaison (diminution du nombre de baies par grappe) et de fertilité pour l’année suivante. Un peu plus tard dans la saison, à véraison, celui-ci diminuera le poids des baies du fait d’un phénomène de concentration. Le manque d’eau impacte donc en premier lieu le rendement. Une contrainte hydrique modérée en fin de cycle (véraison-récolte), s’avère, elle, bénéfique pour optimiser la qualité des raisins et la durabilité des vignes. Si la contrainte hydrique est associée à une chaleur caniculaire, les risques de mortalité pour la plante sont accrus. En effet, à des températures supérieures à 40°C, la vigne développe une stratégie d'adaptation, en diminuant fortement la transpiration de son feuillage, afin de préserver ses tissus foliaires de la déshydratation. Ce stratagème permet d'éviter des accidents physiologiques comme la formation de bulles d'air dans ses vaisseaux (embolie gazeuse) qui priveraient les feuilles de l'apport d'eau provenant des racines. Mais s’il n’y a pas d’eau dans le sol, les conséquences sont désastreuses pour la plante entrainant sa mort. Alors que faire ?
De très nombreux moyens existent pour gérer la contrainte hydrique, parmi lesquels on peut citer la sélection des parcelles en fonction de leur réserve en eau, le choix du matériel végétal (porte-greffe et cépage) et la gestion de la surface foliaire. Une gestion raisonnée du vignoble consiste à implanter les productions qui demandent peu de contrainte hydrique sur les sols à forte RU (réserve utile) : production de vins blancs, de vins rosés, de vins rouges fruités à boire jeune, les productions en IGP… En revanche, on réservera les parcelles à faible RU (sols peu profonds, sols caillouteux), susceptibles d’induire des contraintes hydriques, pour la production de vins rouges de garde dans le cadre de l’AOP.
On peut également gérer la contrainte hydrique par le matériel végétal. Il existe de fortes variations de la résistance des porte-greffes à la sécheresse. On choisira des porte-greffes qui valorisent peu les réserves en eau du sol dans les parcelles où la contrainte hydrique risque d’être le plus souvent insuffisante (par exemple le Riparia Gloire de Montpellier). A contrario, on choisira des porte-greffes résistants à la contrainte hydrique pour les parcelles à faible RU (420A, 110 R, 1103P, SO4, …). Il existe aussi des différences de résistance à la sécheresse entre cépages (cabernet franc, sauvignon sont plus sensibles que le pinot noir mais moins que le floreal). Il convient donc d’orienter le choix de l’encépagement pour chaque parcelle en fonction des risques de sécheresse tout en prenant en considération l’effet du sol.
Une autre possibilité de gestion de la contrainte hydrique se trouve au niveau du système de conduite. La principale variable est la surface foliaire. Un système de conduite à forte surface foliaire épuise rapidement les réserves en eau du sol, ce qui est un atout si le risque principal est une contrainte hydrique insuffisante. Une surface foliaire modérée permet d’économiser les réserves en eau du sol. On peut réduire la surface foliaire en réduisant la hauteur de la haie foliaire ou en diminuant la densité de plantation. Force est de constater, que les systèmes de conduite à surface foliaire modérément faible ne sont pas compatibles avec de forts rendements, car une autre condition de la production d’un vin de qualité est de disposer d’un rapport feuille/fruit suffisant.
Un autre levier est possible lorsque la législation le permet : l’irrigation. Pour rappel, l’irrigation est interdite pour toutes les vignes destinées à la production de vin, tous segments confondus, entre le 15 août et la récolte. Pour les vins AOP, l’interdiction de l’irrigation va du 1er mai à la récolte. Si l’irrigation est autorisée dans le cahier des charges des IGP Val de Loire, celle des vignes destinées à la production de vin AOP peut être autorisée uniquement par dérogation pour une récolte déterminée en compensation du stress hydrique dès lors que celui-ci est susceptible de remettre en cause la qualité de la production viticole. La demande de dérogation formulée par l’ODG doit être accompagnée d'une étude réalisée sur un référentiel de parcelles aptes à la production de vin de ladite appellation. Lorsque l’irrigation est possible, l’opérateur doit déclarer irriguer au plus tard deux jours avant sa mise en œuvre. L’ODG doit tenir à jour la liste des exploitants potentiellement irrigants, la liste des parcelles potentiellement irriguées, la liste des parcelles effectivement irriguées. Il n’y a plus de restrictions matérielles : les installations fixes y compris enterrées sont désormais autorisées. L’INAO souligne que « la dérogation exceptionnellement prise n’est en aucun cas une autorisation de prélèvement d’eau. L’irrigation viticole ne sera jamais prioritaire face à l’irrigation des cultures alimentaires qui elle-même n’est pas prioritaire face à l’usage domestique et à certains usages tiers ».
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