08.12.2014
Matériels / Équipements
Saviez vous que la viticulture de précision est une marque déposée ? Derrière cette dénomination se cache des enjeux commerciaux importants comme le montre aussi le développement colossal des sociétés de prestation dans ce domaine. Malheureusement, on a fini par mettre tout et n’importe quoi sous l’appellation viticulture de précision. InterLoire a donc proposé aux techniciens du Val de Loire de faire le point sur cette notion et les technologies disponibles à l’occasion d’une journée de formation animée par Bruno Tisseyre et Léo Pichon de SupAgro Montpellier.
Les premiers capteurs embarqués sont apparus dans le monde de la vigne en 1998 sur des machines à vendanger. Ils permettaient de mesurer en continu les rendements et de géolocaliser les machines. Ils ont mis en évidence une variabilité intra-parcellaire certes connue des propriétaires mais très fortement sous-estimée. L’amplitude de la variabilité avait de fait une forte incidence sur la prise d’échantillon lors des suivis de maturité et donc sur la réflexion de la date de vendange. C’est en cela que la viticulture de précision présente un intérêt : elle permet d’objectiver une observation et d’avoir une très grande précision de l’information. Mais attention, les capteurs sont des sources d’observation à haute résolution spatiale, qui en tant que telles ne sont pas utilisables. Il faut les caractériser pour les transformer en une information utile agronomique à partir de laquelle est établie une préconisation. Le travail de l’expert, du conseiller ne peut pas être omis dans l’utilisation des nouvelles technologies car une donnée brute aussi précise soit-elle ne sert à rien ! La viticulture de précision est une approche révolutionnaire de part la haute résolution spatiale et temporelle des données qu’elle permet d’obtenir. Depuis 1998, d’autres utilisations se sont développées…
L’expérimentation en ligne reste sans doute l’application la plus révolutionnaire. L’intégration de la viticulture de précision conduira à terme à un bouleversement de la R&D, du conseil du fait de l’obtention rapide de résultats cartographiés et objectifs.
Le satellite. L’imagerie satellite est répétable dans le temps et a une emprise spatiale importante. Ses inconvénients sont le prix (30 000 à 40 000 €) et le délai important de revisite (8 jours) en cas de couverture nuageuse par exemple. En effet, il n’existe pas de satellite dédié à l’agriculture dont les demandes sont loin d’être prioritaires ! La résolution maximale en multi-spectrales est de 2m et l’échelle maximum est de 1 :2000 à 1 : 10 000, nous ne sommes donc pas au niveau du cep de vigne ! Le CIVC, par exemple, a utilisé des images satellites gratuites en les associant à l’indice de végétation NDVI pour comparer des millésimes sur la région des Côtes des Blancs.
L’Avion. Pour cet outil, le choix de la résolution pour une application donnée est crucial (résolution spatiale et spectrale variable selon les capteurs et l’altitude de prise de vue). Le choix de l’image aérienne nécessitera de prendre en compte le traitement de correction en fonction de la zone considérée par rapport à la résolution (taux de recoupement). Le temps de revisite est plus souple que pour le satellite.
Le Drone. Selon les produits, les caractéristiques diffèrent en termes d’autonomie, de stabilité ou de surface couverte. Il est possible d’avoir une très forte résolution spatiale, mais plus on aura une forte résolution, plus les données à géoréférencer seront lourdes et longues à traiter. A noter, par exemple, que pour visualiser des manquants sur un palissage, et ce malgré une forte résolution, seules des taches noires sont visibles sans pouvoir distinguer s’il y a 1, 2 ou 3 manquants. Pour l’estimation des manquants, les capteurs embarqués sont sans doute mieux adaptés. En revanche pour réaliser des cartographies de vigueur, l’outil est bien adapté.
Les capteurs embarqués tels que le green-seeker, le physiocap ou le multiplex,… permettent une forte résolution spatiale des données mais nécessitent une intervention dans la parcelle.
Les travaux expérimentaux ont montré que la variabilité spatiale était partout, importante et fortement sous estimée. Elle n’est pas aléatoire mais spatialement organisée, structurée et ce, quel que soit le paramètre considéré ou la taille du parcellaire. Un vigneron peut avoir besoin de connaître finement cette variabilité intra parcellaire pour optimiser, par exemple, ses raisins par rapport aux profils produits recherchés. Même si cette variabilité est connue empiriquement, il est plus efficace de visualiser ce qui est appréhendé. La caractérisation d’une variabilité intra-parcellaire peut aussi être un support pédagogique, de sensibilisation au sein d’une équipe (chef de culture, tractoristes, ouvriers). L’intérêt de gérer cette variabilité varie selon les objectifs de production (SIG, IGP, AOP) et la valorisation qui est faite des produits (vrac, bouteilles)…. En outre, ce n’est pas parce qu’il y a une variabilité qu’elle est techniquement gérable : si l’organisation est très morcelée par exemple, cela n’est pas envisageable. Cette variabilité spatiale est définie par une amplitude et une stabilité temporelle. Certains paramètres sont stables dans le temps comme l’état hydrique, le rendement ou l’expression végétative. Si on s’intéresse à cette dernière, il y a une vraie stabilité temporelle des motifs spatiaux : la zone de plus faible vigueur est toujours au même endroit, de même pour celle de plus forte vigueur. Ceci est vrai si le mode de conduite n’est pas modifié bien sûr. Si une évolution dans l’itinéraire technique est apportée alors la caractérisation de la variabilité intra-parcellaire peut devenir un outil de contrôle pour vérifier l’incidence d’une modification de pratique. Mais selon les millésimes, les zones ne répondent pas de la même manière. Il y a donc des paramètres de qualité instables comme le pH, l’acidité totale, le taux de sucre.
Dans un premier temps, il est possible d’utiliser des images satellites gratuites (google earth) pour définir des zones de fonctionnement. On peut y associer des indicateurs stables pour répondre à l’objectif fixé en termes de caractérisation (sol, expression végétative). Dans un second temps, le vigneron peut investir dans des capteurs spécifiques ou dans un service basé généralement sur une double compétence (conseil, service, producteur /geomaticien). En termes de tarifs, les propositions commerciales varient selon le contexte. Par exemple :
Pour réduire les coûts, certaines sociétés de service proposent aujourd’hui un système de location des outils avec la formation d’un ou deux chauffeurs pour effectuer les acquisitions. Au niveau économique, l’enjeu de la viticulture de précision résidera dans l’ensemble des coûts cachés (acquisition et traitement, mise en forme des données, interprétation…). En ce sens, il est fort à parier que la filière acquerra des compétences et se structurera pour accueillir le développement de ce type de service (groupement d’employeur spécifique sur ces compétences par exemple).
Beaucoup de recherches sont actuellement faites sur la modulation des doses phytosanitaires mais à ce jour aucune firme ne veut prendre le risque d’associer une donnée à une dose (caractérisation d’un volume de végétation et une dose). D’autre part, il existe encore des verrous techniques très importants dans le cadre de la mise en place d’un système automatique, par exemple l’injection directe (poudre, solution liquide,…). Au niveau des maladies, la télédétection ne permet pas aujourd’hui de visualiser des carences, des symptômes de maladie car la résolution utilisée est insuffisante. De plus, bien d’autres facteurs peuvent expliquer une faible biomasse de la plante à un moment T. Il faudrait des capteurs beaucoup plus fins au niveau des spectres (image hyperspectrale) pour avoir une signature spectrale propre à une maladie. Il y a très peu d’études faites dans le domaine, mais il est certain qu’un système automatique passera par l’analyse d’image plus que par des indices de végétation.