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23.04.2018

Biodiversité dans les vignes : repartir d’une page blanche ?


Itinéraires viticoles

Environnement

Biodiversité dans les vignes : repartir d’une page blanche ?

Lors de l’Assemblée Générale de Terra Vitis Loire, organisée au domaine Charles Pain à Panzoult (37) le 19 avril 2018, Yves Gabory de Mission Bocage est intervenu sur l’intégration de biodiversité dans les vignes, quitte à repenser totalement le système.

Maladies du bois, rendements en baisse, fortes pressions ravageurs et maladies, mais aussi problématiques (re)émergentes comme phylloxera, xylella, flavescence dorée… Et si le modèle viticole développé ces dernières décennies était responsable de ses propres maux ? « En tous les cas, les vignes telles que conduites actuellement sont très sensibles » souligne Yves Gabory, de Mission Bocage, lors d’une présentation sur la biodiversité dans les exploitations viticoles, à l’AG Terra Vitis Loire (111 adhérents en 2017, 9 nouveaux en 2018). « La vigne a longtemps fait partie du milieu naturel, grimpant aux arbres et bénéficiant de leur ombre, d’échanges de matière organique, de minéraux, d’équilibres biologiques. Multiplier les cultures sur une parcelle viticole, en y apportant des arbres fruitiers par exemple, permet de produire plus grâce à la complémentarité, sur des productions diversifiées. Le but n’est pas de remettre la vigne au milieu de forêts, mais d’apporter quelques arbres dans les vignes », assure convaincu Yves Gabory. Alors 10, 30, 70 arbres par hectares ? Quelles espèces ? A quels endroits ? Les vignerons présents veulent des conseils pratiques, et connaître les résultats d’essais. Mais patience... Si des choses ont été testées et le sont encore, le directeur de Mission Bocage souligne : « Il ne suffit pas de faire des essais sur des petites surfaces pour connaître les avantages réels, mais travailler à une échelle plus importante pour obtenir tous les bénéfices des arbres et des haies sur la présence d’auxiliaires, la structuration du sol, la biodiversité, la réduction de l’érosion ou de la sécheresse. L’agroforesterie en grandes cultures a montré ses intérêts. Pour ma part, j’imagine un rang d’arbres tous les 12 à 14 rangs de vignes. Mais les instituts techniques doivent apporter des réponses, et les vignerons peuvent eux aussi tester chez eux cette remise en place de biodiversité. »

Changer, et changer beaucoup

Plutôt que d’intégrer de la biodiversité par petites taches, Yves Gabory aimerait que l’on reparte d’une feuille blanche pour concevoir le nouveau modèle viticole. « C’est une réflexion générale que l’on doit mener, allant de pair avec des changements de réglementation et de techniques. L’essentiel est de prendre conscience qu’il va falloir changer, et changer beaucoup. ». La solution pourrait être de revoir la taille de la vigne, pour qu’elle bénéficie de la complémentarité des arbres. « Une taille forte de la vigne l’oblige à faire du bois et à fructifier la même année, ce qui est un gros effort. Taillée de façon moins sévère, la vigne se fatigue moins et peut tirer les bénéfices des arbres, avec des fructifications à ses extrémités pour atteindre le soleil, une diminution des risques de gel de printemps par sa prise de hauteur, moins de maladies car plus aérée, des grappes plus petites mais plus nombreuses. Au final, une réduction du temps de taille et de la protection fongique. »

Mécanisation et appellation

Si beaucoup de vignerons présents sont sceptiques, certains comme Didier Vazel du Domaine de Brizé semblent plus ouverts, voir séduits par le concept : « Dans une petite parcelle, j’ai choisi de laisser 100 bourgeons par pied en taillant moins court. Les vignes résistent mieux aux maladies du bois et aux maladies cryptogamiques car elles sont plus aérées, avec un rendement équivalent, et un bon niveau qualitatif lié aux baies plus concentrées ! ». De nombreuses interrogations de l’auditoire se succèdent, sur la mécanisation, la rentabilité économique, le risque d’attirer de nouveaux ravageurs comme drosophila suzukii, la complexité de faire évoluer les AOC… Pour Nadège Brochard-Mémain, de la Chambre d'Agriculture de Loire-Atlantique, cette intervention vise justement à ouvrir le débat : « Lorsque Terra Vitis a été lancée il y a 20 ans, nous étions les premiers à nous dire de la viticulture durable, et désormais, chacun la défend et heureusement. Il faut donc mener la réflexion sur le sujet, et tester des applications techniques dans les vignes, pour observer les résultats. »

 

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